Aux termes d'un testament olographe du 25 octobre 2000, Mme Madeleine J. veuve C. a désigné comme légataires universelles ses nièces Mmes C. et Nadine J., filles de son frère Raymond.
Par un nouveau testament olographe daté du 21 mai 2011, elle a révoqué toutes dispositions antérieures, a institué Mme Nadine J. comme sa légataire universelle et, en cas de prédécès de cette dernière, ses enfants nés ou à naître, et a requis l'inscription de ce testament au fichier central des dispositions des dernières volontés.
Suivant jugement du 12 novembre 2015, le juge des tutelles du tribunal d'instance d'Evreux, saisi par Mme Nadine J. le 21 mai 2015, a prononcé la mise sous tutelle de Mme Madeleine J. veuve C. et a désigné Mme Nadine J. en qualité de tutrice à la personne et aux biens de celle-ci.
Mme Madeleine J. veuve C., qui n'avait pas d'enfant, est décédée le 31 mars 2016 à Louviers.
Par acte d'huissier de justice du 30 octobre 2017, Mme Claudine J. a fait assigner sa soeur devant le tribunal de grande instance d'Evreux en annulation du testament du 21 mai 2011 pour insanité d'esprit de Mme Madeleine J. veuve C.. Subséquemment, elle a demandé la réintégration à la succession de celle-ci de l'actif existant au jour de son décès, l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de ladite succession, et l'attribution de sa part dans celle-ci en exécution du testament du 25 octobre 2000.
Celui qui agit en nullité d'une libéralité pour insanité d'esprit sur le fondement des articles 414-1 et 901 du code civil doit rapporter la preuve que l'auteur de celle-ci était atteint d'un trouble mental au moment précis où il l'a faite.
Tel n’est pas le cas en l’espèce du testament olographe rédigé fin mai 2011 par la testatrice placée sous tutelle mi-novembre 2015. Si une évaluation cognitive de la disposante réalisée en septembre 2010 par une psychologue, lors d'une hospitalisation en médecine gériatrique, mentionne l'existence de « troubles cognitifs touchant… les capacités mnésiques », un nouvel examen réalisé mi-mars 2011 a confirmé ces premières conclusions. Fin mars 2011, le médecin gériatre a effectué une consultation de sa patiente, âgée de 87 ans et a relevé que celle-ci était désorientée dans le temps, mais pas dans l'espace. Si enfin, fin avril 2011, la disposante a été vue en consultation par son médecin traitant, le seul terme « démence » ne démontre pas qu’à la date de rédaction du testament, ses aptitudes mentales ne lui permettaient plus, à ce moment précis, de modifier son intention libérale désormais au seul profit de sa nièce.
Concomitamment à la remise du testament par la disposante elle-même au notaire le jour même, ce dernier n’a pas relevé de faits faisant naître un doute sur l'état de santé et les facultés de sa cliente, à qui il a prodigué un conseil ce jour-là. Enfin, le changement de volonté à l'égard de sa nièce, tutrice, et en faveur de celle-ci était cohérent avec l'évolution de leurs relations quelques mois avant la date du testament.
- Cour d'appel, Rouen, 1re chambre civile, 24 Novembre 2021, RG n° 19/04572