Mme [M] et M. [J], locataires de locaux commerciaux appartenant à la société civile immobilière du [Adresse 5] (la bailleresse), ont cédé leur fonds de commerce à la société PCMT par acte sous signature privée contresigné par M. [X] en sa qualité d’avocat de toutes les parties.
Le bail commercial contenait une clause stipulant que : « Toute cession ou sous-location devra être réalisée par acte authentique auquel le bailleur sera appelé et dont une grosse sera délivrée sans frais ».
Le 20 mai 2016, la bailleresse a délivré à Mme [M] et M. [J] un commandement de payer visant la clause résolutoire inscrite au bail et leur a notifié un congé avec refus de renouvellement, puis les a assignés, ainsi que la société PCMT, en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et en inopposabilité de l’acte de cession.
La bailleresse a fait grief à l’arrêt d'appel de lui déclarer opposable la cession du fonds de commerce au profit de la société PCMT et de déclarer, en conséquence, de nul effet le congé délivré le 20 mai 2016 à Mme [M] et M. [J], alors que par lettre du 24 mars 2016, la SCI du [Adresse 5], bailleur, a indiqué à Me [X], conseil des consorts [M] et [J], cédants, que les modalités du bail initial devraient être rappelées aux parties à l’acte de cession et être respectées en leur intégralité ; que tout en précisant que le bail contenait une clause prévoyant que toute cession ou sous-location devrait être réalisée par acte authentique auquel le bailleur serait appelé et dont une grosse lui serait délivrée sans frais, la cour d’appel a considéré que par ladite lettre du 24 mars 2016, le bailleur avait manifesté son accord pour la forme retenue, à savoir un acte sous seing privé contresigné par avocat « puisqu’il lui demandait de rappeler aux parties les modalités du bail initial. Ces modalités ne pouvaient concerner la forme retenue pour la cession mais bien les modalités d’exécution du bail, la mention étant sinon dépourvue de sens ; qu’en estimant ainsi que par la lettre du 24 mars 2016, la SCI du [Adresse] avait renoncé à la forme authentique prévue dans le contrat de bail pour tout acte de cession, la cour d’appel a méconnu le principe selon lequel les juges ne doivent pas dénaturer les écrits qui leur sont soumis.
Réponse de la Cour de cassation au visa du principe de l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis :
Pour déclarer l’acte de cession opposable à la bailleresse, l’arrêt retient qu’en demandant à l’avocat rédacteur de cet acte de rappeler aux parties les modalités du bail initial, la bailleresse a implicitement mais nécessairement renoncé à la formalité de l’acte authentique, et en déduit que le courrier du 24 mars 2016 constitue un acte positif et non équivoque par lequel elle a accepté la cession par acte sous seing privé.
En statuant ainsi, alors qu’il ne résultait de ce courrier aucune renonciation claire et expresse de la bailleresse à se prévaloir de la clause du bail imposant la forme authentique pour toute cession, la cour d’appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.
- Cour de cassation, Chambre civile 3, 7 septembre 2022, pourvoi n° 21-17.750. Inédit