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Le 07 mars 2007

La preuve des opérations effectuées avec la carte bancaire pose des problèmes. Elle résulte dans bien des cas, des indications apposées sur la facture signée par le porteur. Mais pas toujours, car certaines opérations ne donnent lieu à aucune signature. La signature peut être manuscrite ou électronique (composition de code confidentiel). Cette dernière, qui a pratiquement remplacé la précédente, en France, en raison de la sécurité qu'elle procure, constitue, aux termes du contrat, la preuve de l'ordre du client. Si l'utilisation du code vaut présomption (réfragable) que le porteur a donné ordre de paiement, il en est bien autrement pour les paiements effectués à distance, plus propices à la fraude. Aussi, au visa de l'article 1937 du Code civil, la Cour de cassation a-t-elle énoncé que "lorsqu'il n'est pas discuté que le paiement est intervenu à distance, sans utilisation physique de la carte ni saisie du code confidentiel, la banque a l'obligation d'annuler le débit contesté". L'article L. 132-4 du Code monétaire et financier, depuis la loi sécurité quotidienne du 15 novembre 2001, prévoit cette solution. Les motivations d'une telle solution sont multiples: la protection du consommateur, la confiance dans le paiement et, plus généralement, l'incitation aux échanges commerciaux. En fin de compte, le risque du paiement à distance pèse sur le commerçant. La solution est d'autant plus justifiée qu'il lui incombe de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour assurer la sécurité absolue des transactions qu'il conclut avec ses clients. La chambre commerciale de la Cour de cassation a eu à connaître récemment d'une affaire particulière. L'affaire en cause traite du débit d'une carte bancaire intervenu à distance et sans saisie du code confidentiel. Il s'agissait alors d'une demande de restitution d'une somme prélevée sur le compte bancaire d'une personne physique par un tiers en exécution d'un ordre de paiement donné mais pour une somme bien moindre que celle prélevée. Par un arrêt publié en date du 23 juin 2004, la Haute juridiction avait déjà considéré qu' "alors qu'il n'était pas discuté que le paiement était intervenu à distance, sans utilisation physique de la carte ni saisie du code confidentiel, ce dont il résultait pour la banque l'obligation d'annuler le débit qui était contesté." En effet, selon la Cour de cassation, le Tribunal d'instance d'Aix-en-Provence, qui avait jugé le contraire, a violé l'article 1937 du Code civil. Cet article dispose que "le dépositaire ne doit restituer la chose déposée, qu'à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir". Il est de jurisprudence constante que seule une faute, commise par le déposant des fonds, ayant trompé la banque dépositaire sur l'authenticité d'un ordre de paiement qu'elle a exécuté, peut dégager celle-ci de son obligation de restitution (Cour de cassation, Chambre com., 28 janvier 1992; Bull. civ. IV, n° 4). Or, en l'espèce, rien dans le comportement du déposant ne permet d'établir sa faute. En conséquence, c'est tout naturellement que la Haute juridiction condamne la banque à exécuter son obligation de restitution, qui prend la forme d'une annulation du débit contesté. L'attendu de l'arrêt de l'espèce en référence est le suivant: "Mais attendu que la Caisse d'épargne ayant elle-même indiqué au juge du fond que la somme litigieuse avait été débitée du compte de Mme X... après une erreur de l'hôtel et pour régler le séjour d'une personne qui lui était étrangère, il s'en déduisait que le paiement effectué à distance, par simple communication du numéro de la carte bancaire, sans utilisation de son code confidentiel ni signature du titulaire, avait été réalisé sans mandat de cette dernière de sorte qu'à défaut de stipulations contractuelles contraires non invoquées, l'établissement de crédit, dépositaire des fonds, était tenu de les restituer à due concurrence de ce qu'il avait payé ainsi irrégulièrement; que le jugement se trouvant ainsi justifié par ces seuls motifs, le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches". Et qu'en serait-il, dans la présente affaire, si le paiement litigieux avait nécessité la composition du code? La solution aurait été bien différente. On l'a dit, la composition du code vaut présomption de paiement par le porteur et tant que ce dernier n'a pas formulé opposition, c'est lui qui en principe doit répondre du paiement... sauf à engager des poursuites pénales contre l'auteur de l'infraction commise (pour autant qu'on ait pu identifier ce dernier!), ou bien à souscrire une assurance auprès de la banque. Concernant la fraude sans dépossession de la carte bancaire, l'article L 132-4 du Code monétaire et financier (article cité dans l'arrêt d'espèce) protège ainsi les victimes des fraudes. L'opposition est devenue licite, et elle est recommandée pour décharger automatiquement le titulaire des opérations irrégulières. Le titulaire ne subira aucune perte, même si son comportement a facilité la tâche de l'usurpateur; tout au plus devra-t-il respecter une procédure spécifique de réclamation. Dès qu'il constate, à la lecture de son relevé de compte, un débit de carte dont il n'est pas l'auteur, le titulaire doit adresser à sa banque une réclamation écrite dans laquelle il conteste avoir effectué cette opération (article L. 132-4, alinéa 3 ). La banque est alors tenue de lui en restituer le montant, sans frais, dans le mois qui suit la réception de la réclamation. Aucune preuve n'est exigée du titulaire par le texte; mais la banque pourrait démontrer, dans un second temps, que l'opération a bel et bien été ordonnée par le titulaire. Dans notre arrêt d'espèce la Caisse d'épargne a tenté de se décharger de son devoir de "recréditer les débits" en se fondant sur l'absence de fraude, en effet celle-ci prétend qu'il s'agit non pas d'une fraude de l'agent mais d'une simple erreur et que donc l'article L. 132-4 ne pouvait s'appliquer. Je cite: "la fraude suppose à tout le moins la conscience chez l'agent de ce qu'il réalise une opération irrégulière; qu'en faisant état d'une simple erreur, qui peut être le fruit d'une inadvertance, quand une fraude est exigée, le juge du fond a violé les articles L. 132-2 et L. 132-4 du Code monétaire et financier." Toutefois la Cour a retenu qu'il y avait absence de mandat donné à la Caisse d'épargne et que donc elle était tenue de rembourser la somme irrégulièrement payée. Sandrine BridouxRéférence: - Cour de cassation, Chambre com., 12 décembre 2006