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Le 10 mars 2017

Dominique et Yvette se sont mariés le 17 novembre 1959, à ..., après avoir souscrit un contrat de mariage reçu le 10 novembre 1959 optant pour le régime de la séparation de biens.

Par jugement définitif du 28 septembre 2006, le tribunal de grande instance a homologué l'acte notarié en date du 7 décembre 2004 contenant changement du régime matrimonial des époux et adoptant aux lieu et place du régime de séparation de biens, le régime de la communauté universelle établi par l'art. 1526 du code civil avec clause d'attribution intégrale de communauté au conjoint survivant.

Dominique est décédé le 2 août 2012.

Par plusieurs testaments olographes en date du 24 juillet 2005 et du 4 janvier 2011, il avait exprimé le souhait d'être inhumé avec Mme Annie, qu'un monument funéraire en marbre noir et décent soit élevé sur sa tombe et que le montant ainsi que les frais de ses obsèques soient prélevés sur son héritage, qu'il avait de même chargé Mme Annie de terminer son livre et de l'édite, en précisant que les frais devaient être prélevés sur son héritage et les droits d'auteur seraient la propriété de Mme Annie.

Par acte en date du 26 juin 2013, cette dernière a fait assigner Mme Yvette devant le tribunal de grande instance à l'effet de la voir condamner à lui rembourser le monument funéraire suivant facture du 22 février 2013 à hauteur de 10 320 EUR , après déduction des gravures, de la dire bien fondée à achever l'oeuvre littéraire de Dominique et à la faire publier aux frais de sa succession conformément à ses dispositions testamentaires.

L'adoption du régime de communauté universelle avec clause d'attribution intégrale au conjoint survivant reporte l'ouverture de la succession du pré-mourant au jour du décès du survivant.

Cette clause porte donc atteinte à la liberté testamentaire des époux sur les biens de la communauté et les dispositions testamentaires qui y contreviendraient sont frappées de caducité. Il convient cependant d'examiner les dispositions pour vérifier si elles portent sur des biens ou droits tombés en communauté et attribués à Mme au décès de son époux par l'effet de la clause précitée. Dans les deux testaments olographes de fin juillet 2005 et début janvier 2011 et les écrits les accompagnant, notamment celui du 5 janvier 2011, Dominique a émis le souhait d'être inhumé dans le caveau de la famille L. aux côtés de son amie, Annie. Il a clairement chargé cette dernière d'exécuter sa volonté s'il devait décéder avant elle, en précisant « que les frais de mes obsèques soient prélevés sur mon héritage ». Il a donc nécessairement déchargé son épouse de l'organisation de ses obsèques. Le monument édifié, de couleur noire, comme le souhaitait le défunt satisfait à la condition de décence et n'est pas ridicule du seul fait qu'il est en forme de livre. Si les choix opérés par Mme Annie sont conformes à la volonté du défunt, elle n'est pas pour autant fondée à réclamer à l'intimée qu'elle participe à la prise en charge du monument funéraire édifié. En effet, en raison de la clause d'attribution intégrale de la communauté au dernier survivant, l'ouverture de la succession de Dominique est différée au décès de son épouse et la disposition du testament relative à la charge finale du montant des frais funéraires engagés n'est pas opposable à cette dernière, de son vivant. Tout au plus, l'appelante est susceptible de disposer, par l'effet du testament, d'une créance sur la succession du défunt, laquelle, dans la mesure où le monument a vocation à recevoir également la dépouille de l'épouse, ne peut s'établir qu'à la moitié du montant total de la facture. Dans son testament, le défunt demande « qu'aucun empêchement ne se fasse à l'encontre de Mme L. (Annie) que j'ai chargée de terminer mon livre (écriture du dernier chapitre et choix du titre ) et de l'éditer. Tous les frais encourus dans cette démarche seront aussi prélevés sur mon héritage. Les droits d'auteurs en totalité, seront la propriété de Mme L. ». Cette disposition porte donc sur les droits moraux de l'auteur, et en particulier sur le droit de divulgation de l'̹uvre à titre posthume.

Il résulte de l'art. L. 121-2 du code de la propriété intellectuelle et de l'art. L.121-9 du même code que les droits moraux de Mme Annie sur l'ouvrage dont il avait commencé l'écriture sont restés des droits propres dont il avait seul le droit de disposer nonobstant l'adoption du régime de communauté universelle et que n'étant pas tombés en communauté, ils n'ont pas été attribués au décès de ce dernier à son épouse. Aussi, c'est à tort qu'il a été estimé que le testament était caduc. Le défunt, seul titulaire du droit de divulguer son ̹uvre, a clairement manifesté dans le testament la volonté de désigner un exécuteur testamentaire en la personne de Mme Annie pour terminer son ̹uvre littéraire et exercer ses droits moraux sur celle-ci. Dès lors la demande de Mme Annie tendant à lui permettre de terminer l'ouvrage et à l'éditer est fondée.

Référence: 

- Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 10 octobre 2016, RG N° 15/01735