En cas de départ du locataire à la retraite, la déspécialisation est autorisée nonobstant les termes du contrat de bail si l'activité du cessionnaire du bail remplit les conditions de compatibilité de l'art/ L. 145-51 du Code de commerce.
Il résulte dudit art. L. 145-51 du Code de commerce, que le locataire, personne physique, ou le gérant majoritaire depuis au moins deux ans d'une société à responsabilité limitée, ayant demandé à bénéficier de ses droits à la retraite ou ayant été admis au bénéfice d'une pension d'invalidité, peut céder son droit au bail avec un changement d'activité en signifiant à son propriétaire et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce son intention de céder son bail en précisant la nature des activités dont l'exercice est envisagé ainsi que le prix proposé.
Le bailleur peut accepter la cession soit expressément soit tacitement sans réponse de sa part dans un délai de deux mois, racheter le droit au bail aux conditions fixées dans la signification ou contester la cession dans le délai de deux mois en saisissant le tribunal de grande instance en invoquant notamment le fait que les activités exercées ne sont pas compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l'immeuble.
En l'espèce, des locaux avaient été donnés à bail pour une activité de coiffure, manucure, esthétique, parfumerie. Le gérant majoritaire de la société locataire avait fait valoir ses droits à la retraite puis une promesse de vente avait été signée pour une activité de vente de chaussures, cuir, mode, accessoires, habillement et tout l'équipement hommes, femmes enfants, la maison, la télécommunication en France et à l'étranger.
Cette promesse avait été consentie sous diverses conditions suspensives et en particulier celle relative au fait que le propriétaire n'engage aucune procédure ayant pour objet de contester la cession.
Les bailleurs ont, dans le délai de deux mois, notifié par lettre recommandée leur opposition à la cession considérant qu'elle intervenait en violation des clauses du bail interdisant toute autre activité que celles prévues au bail et menaçaient le preneur et le cessionnaire de poursuites si la cession intervenait en violation de leurs droits.
Prenant acte de l'opposition des bailleurs, le cessionnaire a écrit qu'il considérait que ses engagements étaient caducs faute pour la condition suspensive d'être réalisée.
Les bailleurs n'ont toutefois pas saisi le tribunal dans le délai de deux mois, mais le preneur prenait alors l'initiative d'engager une procédure afin d'obtenir le paiement de dommages et intérêts.
Le tribunal de grande instance, puis la cour d'appel, ont relevé que les bailleurs avaient refusé, sans motifs légitimes, de faire application de l'art. L. 145-51 précité dont les conditions étaient remplies. Le fait que l'activité envisagée serait en violation totale des clauses contractuelles interdisant toute activité que celle prévue au bail initial était contraire à l'art. L. 145-51 qui permet au contraire au locataire qui fait valoir ses droits à la retraite de céder son droit au bail avec un changement d'activité.
Il a donc étté considéré que la menace d'une procédure judiciaire avait amené le cessionnaire à considérer que la condition suspensive n'était pas réalisée, de sorte que l'attitude des bailleurs consistant à nier le droit légitime de leur locataire est constitutive de mauvaise foi et engage leur responsabilité civile.
- Cour d'appel de Paris, Pôle 5, ch. 3, 27 juin 2018, RG n° 16/20048