La principale divergence entre les parties, au moment du partage après divorce, réside dans le caractère propre ou commun des sommes perçues en 1991 par monsieur R-S Y de France Loto.
Monsieur R-S Y soutient en effet qu’il a perçu cette somme en donation de son père, qui était titulaire du ticket gagnant, de sorte qu’il s’agit selon lui de fonds propres ; madame X H soutient pour sa part que son époux était le gagnant direct de cette somme, qui constituait donc des fonds communs.
Aux termes de l’art. 1402 du Code civil, tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux en application d’une disposition de la loi. Si le bien est de ceux qui ne portent pas en eux-mêmes preuve ou marque de leur origine, la propriété personnelle de l’époux, si elle est contestée, devra être établie par écrit. A défaut d’inventaire ou de preuve préconstituée, le juge devra prendre en considération tous écrits, notamment titres de famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et factures. Il pourra même admettre la preuve par témoignage ou présomption, s’il constate qu’un épouxa été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit.
En l’espèce, il est constant que le chèque établi par France Loto l’a été au nom de monsieur R-S Y, et non pas au nom de son père, les fonds ayant donc été directement encaissés par l’époux pendant le mariage sans avoir transité au préalable par le patrimoine de son père ; Monsieur R-S Y apparaît en conséquence comme le gagnant de ces sommes.
Pour combattre la présomption d’acquêt de communauté de l’article 1402 susvisé, monsieur R-S Y ne verse aucun écrit confirmant l’existence d’une donation du ticket gagnant par son père, mais diverses attestations tendant à établir que le ticket gagnant avait été validé dans un tabac de PEGOMAS où son père aurait eu l’habitude de jouer et que des proches de monsieur M Y auraient deviné qu’il était le gagnant du gros lot ou l’aurait entendu faire état de son intention de donner ses gains de jeu à son fils. Il produit également une attestation établie le 5 avril 2010 par monsieur M Y attestant qu’il avait fait don de son ticket gagnant à son fils, en contrepartie de quoi celui-ci devait subvenir à ses besoins en complément de sa retraite, ce qu’il n’aurait pas manqué de faire ; Monsieur R-S Y produit enfin des relevés de compte dont il déduit qu’il a effectué des virements réguliers à son père en application de cette condition assortissant la donation dont il a bénéficié.
Ce faisant, monsieur R-S Y ne justifie pas avoir été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit pour justifier de l’existence de cette donation. Il sera également relevé que monsieur R-S Y ne produit aucun document contemporain de la validation du ticket gagnant ou de la perception de ce gain de jeu, susceptible de contredire le fait qu’il n’aurait pas été le gagnant direct du gros lot.
Concernant l’attestation de onsieur M Y, elle n’a pas été établie selon les formes légales (absence de la copie de la carte d’identité et de la mention que l’attestation est destinée à être produite en justice), elle est postérieure au divorce des époux et elle n’a été rédigée qu’après la vente du bien situé à LA ROQUETTE-SUR-SIAGNE et manifestement pour les besoins de la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux. En tout état de cause, même si l’on considérait comme acquis le fait que monsieur M Y, père, a donné son ticket gagnant à son fils en 1991, il ne résulte pas de ces éléments qu’il avait eu l’intention d’exclure l’épouse de son fils du bénéfice de ce don.
Enfin, alors même que monsieur R-S Y soutient que l’acquisition du bien situé au TIGNET le 21 février 1992 aurait été exclusivement financée par ces gains de jeu transmis par son père, il ne produit aucun écrit faisant état de l’emploi de fonds propres ou établissant que madame X H reconnaissait l’emploi de deniers propres de son époux lors de cette acquisition.
Dans ces conditions, les éléments produits par monsieur R-S Y ne sont pas suffisants pour combattre la présomption d’acquêt de communauté posée par l’art. 1402 du code civil. Il sera donc dit que les fonds perçus en 1991 par monsieur R-S Y de France Loto sont des fonds communs.
Il en résulte que monsieur R-S Y ne saurait soutenir avoir droit à une quelconque récompense pour l’affectation de ces fonds à l’acquisition des biens immobiliers communs et que l’intégralité des fonds déposés sur les comptes des époux et les placements dont ils disposaient au 16 juin 2005 entrent dans la masse commune à partager.
- Tribunal de grande instance de Grasse, 4e chambre, cabinet c, 3 avril 2018, RG n° 15/02575