Mme Lucette P, veuve D, est propriétaire à [...], d'un fonds sur lequel est édifiée sa maison d'habitation. M. Xavier L et son épouse, née Agnès C, sont quant à eux propriétaires du fonds voisin situé [...]. Ces derniers ont fait édifier en vertu d'un permis de construire du 8 novembre 2011 un garage destiné à accueillir deux véhicules automobiles, d'une surface de 54 m2.
Par exploit du 24 septembre 2012, Mme D a fait assigner les époux L devant le TGI de Dijon, sur le fondement des art. 1134 et 1147 du code civil, aux fins de démolition du garage et d'allocation de 3 000euro de dommages et intérêts, et, sur le fondement des troubles anormaux du voisinage, aux fins d'indemnisation de son préjudice de perte de vue et d'ensoleillement à hauteur de 5 000 euro et de perte de valeur vénale de sa propriété à hauteur de 20 000 euro.
Elle a fait valoir qu'en dépit de sa conformité au permis de construire le garage portait atteinte à ses droits en contrevenant aux prescriptions du cahier des charges du lotissement relatives à l'édification d'annexes, qui ont entre les co-lotis un caractère contractuel, en ce que la surface de l'immeuble construit était inadaptée, en ce que la construction ne possédait pas de toit en terrasse et en ce qu'il était édifié en limite de propriété. Elle a indiqué par ailleurs que l'édifice lui causait un trouble anormal du voisinage en ce qu'il la privait de vue et d'ensoleillement, et en ce qu'il entraînait une perte de la valeur vénale de sa propriété.
La demande de démolition d'un garage d'une surface de 54 mètres carrés pour une surface utile de 48 mètres carrés, construit en limite de propriété est rejetée en l'absence d'une violation du cahier des charges du lotissement. En effet, les dispositions relatives aux dépendances et constructions annexes ne définissent pas la superficie autorisée par une limite précisément quantifiée. Cette superficie est sujette à appréciation. Le bâtiment n'occupe que 4,5 % de la surface totale de la parcelle et le cahier des charges a été établi en 1957. En raison de l'évolution des modes de vie, des normes applicables à l'habitat, à l'urbanisme ou encore à l'environnement, les règles posées par le cahier des charges doivent être adaptées aux contraintes contemporaines. Ainsi, le bâtiment litigieux, qui remplit à la fois les fonctions de garage et de remise, est en adéquation avec la composition de la famille de cinq personnes, son niveau de vie et le volume de l'habitation principale, d'autant que celle-ci était dépourvue de garage et de dépendance jusqu'à la construction du bâtiment.
Même si le cahier des charges prévoit que les clôtures doivent être constituées de haies vives montées sur fil de ronce, le bâtiment, dont le mur constitue la clôture, ne contrevient à cette disposition dès lors que ce sont les règles d'urbanisme issues du PLU qui ont imposé aux appelants de construire le bâtiment en limite séparative, le retrait de 4 mètres comme la seule alternative n'apparaissant pas satisfaisante eu égard à la configuration des lieux.
La présence du bâtiment n'est pas de nature à engendrer une perte de vue, de lumière ou d'ensoleillement excédant les troubles qui peuvent normalement être attendus du voisinage, mais sa proximité alliée à ses dimensions constitue un élément préjudiciable à l'agrément général de la propriété de la requérante susceptible d'influer sur le prix qu'un acquéreur potentiel serait disposé à en donner. Il en résulte une perte de valeur vénale de la propriété, qui constitue en soi un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage. En conséquence, les appelants sont condamnés au paiement de 15 000 euro à titre de dommages et intérêts.
- Cour d'appel de Dijon, Chambre civile 1, 14 mars 2017, RG N° 14/02026