L'action paulienne est une action engagée par un créancier contre un débiteur qui a fait un acte en fraude de ses droits, par exemple lorsqu'il a organisé son insolvabilité ou lorsqu'il a réduit la valeur de son patrimoine, dans le but de rendre vain l'exercice de toute voie d'exécution.
Les époux D se sont portés caution solidaire d'un emprunt souscrit par leur fils et l'épouse de celui-ci auprès de la société Financière régionale des crédits immobiliers de l'Est (FCRIE), leur engagement étant garanti par une hypothèque inscrite sur leur immeuble d'habitation.
Après la mise en liquidation des emprunteurs par un jugement du 22 février 1995, la FCRIE a réclamé paiement aux cautions ; celles-ci ont, par acte notarié du 14 avril 2006, vendu l'immeuble à leur fils et à leur belle-fille, le prix d'acquisition étant financé par un emprunt souscrit par ces derniers auprès du Crédit foncier, garanti par une hypothèque.
Le 31 mai 2006, les acquéreurs ont donné à bail l'immeuble aux vendeurs.
Un jugement du 19 février 2008 ayant placé les acquéreurs en liquidation judiciaire, le liquidateur a assigné les époux D en inopposabilité du bail aux créanciers, sur le fondement de l'action paulienne.
Pour rejeter l'action du liquidateur, après avoir estimé que l'état d'insolvabilité apparente des débiteurs était établie à compter du 31 mai 2006, que les époux D avaient connaissance du montant des échéances mensuelles de l'emprunt souscrit par leur fils et leur belle-fille auprès du Crédit foncier, que la durée du bail était inhabituelle s'agissant de locaux d'habitation et que le montant du loyer était inférieur de 50 à 60 % au prix du marché, l'arrêt d'appel retient que l'élément intentionnel de la fraude n'est pas établi dès lors que la durée du bail doit être analysée, eu égard à l'âge des époux D, lors de la conclusion du contrat de bail (79 et 78 ans), que la minoration du prix s'explique par le contexte familial et que le Crédit foncier, qui avait fait inscrire une hypothèque sur le bien vendu le 14 avril 2006, avait intégré la location de ce bien dans le calcul financier de l'opération.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les circonstances qu'elle relevait n'étaient pas de nature à établir qu'au 31 mai 2006, date de la conclusion du contrat de bail, les époux D n'ignoraient pas qu'ils causaient un préjudice aux créanciers des débiteurs, la cour d'appel, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1167 (ancien) du Code civil.
- Cour de cassation, Chambre civile 1, 6 juillet 2016, RG N° 15-21.821, cassation