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Le 24 mars 2006
Question. Un cahier des charges d'un lotissement instaure une servitude non aedificandi mutuelle entre chacun des fonds. Un coloti envisage une extension de sa maison. Faut-il une modification formelle du cahier des charges, ou une délibération de l'assemblée générale suffit-elle pour déroger? Dans l'un ou l'autre cas, à quelle majorité (ou unanimité) et selon quel formalisme la décision doit-elle être prise? Est-il concevable qu'en appliquant la règle des 2/3-3/4, l'assemblée supprime ou déroge à la servitude, si le seul coloti votant contre (et représentant moins d'1/3-1/4) est le seul à qui l'extension cause un préjudice, parce qu'il sera le seul dans le champ de vision duquel elle sera visible? Réponse. Nous présumons que le lotissement a moins de dix ans ou qu'il a été prorogé. Si la création de la zone non aedificandi est contenue dans le cahier des charges, la suppression, totale ou partielle, de cette zone, dans l'éventualité où il n'y aurait pas incompatibilité avec la règle d'urbanisme de la commune, intervient par modification du cahier des charges demandée par les co-lotis dans les conditions de majorité que vous rappelez. Selon l'article L. 315-3 du Code de l'urbanisme, si les conditions de double majorité sont remplies, l'autorité compétente peut prononcer la modification du dossier. L'emploi du verbe "pouvoir" caractérise la compétence discrétionnaire. Un tribunal administratif a d'ailleurs admis la légalité du refus préfectoral de modifier un dossier de lotissement, alors que la condition de double majorité était satisfaite (Tribunal administratif de Rennes, 25 février 1980). L'étendue du pouvoir de modification est considérable et le dossier de lotissement est susceptible d'être considérablement modifié par l'utilisation de l'article L. 315-3. Il arrive que lorsque le dossier de lotissement est modifié en exécution de l'article L. 315-3, les colotis opposants cherchent à faire obstacle aux modifications intervenues devant les juridictions civiles. La Cour de cassation a déjà accueilli une telle demande (Cour de cassation, 3e chambre civ., 21 novembre 1978), mais la solution est critiquable et critiquée. Aussi la Haute juridiction semble revenir sur sa première position; elle a rejeté une telle action, en soulignant que la modification des règles contractuelles du lotissement s'impose à tous les colotis (Cour de cassation, 3e chambre civ., 1er juillet 1980). Encore faut-il que les dispositions contractuelles aient effectivement été modifiées. Ainsi la suppression d'une disposition du règlement n'affecte nullement la validité de la disposition identique contenue dans le cahier des charges, laquelle continue à faire la loi des parties.