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Le 07 décembre 2020

 

Aux termes de l'article 671 du Code civil, il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.

Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.

L'article 672 du même code dispose que le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.

L'article 673 du même code prévoit que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent. Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative. Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible.

Aux termes de l'article 544 du Code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

La limite à ce droit est que nul ne doit causer à autrui de trouble anormal de voisinage, et qu'à défaut, il en devra réparation, même en l'absence de faute.

Bien qu'il ne conteste pas, au dispositif de ses conclusions, la recevabilité de l'action engagée par M. P. mais son bien-fondé, M. R. invoque dans le corps de ses écritures la prescription trentenaire issue de la date de plantation des arbres litigieux en 1961, permettant de déduire le dépassement par ces arbres de la hauteur de 2 mètres plus de trente ans avant que ne soit délivré l'acte introductif d'instance.

Il sera précisé à cet égard que l'action engagée par M. P., étant également fondée sur un trouble anormal de voisinage et sur les dispositions des articles 671 et suivants du Code civil, ne peut être jugée prescrite dans la mesure où le trouble allégué, provenant des arbres litigieux et notamment de la progression de leurs racines, perdure et évolue encore à ce jour.

La même observation sera faite concernant la servitude par destination du père de famille, invoquée de la même façon par M. R., qui peut permettre de faire exception aux dispositions des articles 671 et suivants du Code civil mais non de faire obstacle à la caractérisation d'un trouble anormal du voisinage ou à la détermination judiciaire de mesures jugées nécessaires pour y mettre fin.

Quant au fond, M. P. produit un procès-verbal de constat établi le 12 juin 2014 par maître H., huissier de justice, qui relève la présence sur le fonds de M. R. de deux sapins « d'une taille importante ['] non entretenus », dont certaines branches dépassent sur la propriété de M. P. et dont d'importantes racines déforment le sol.

M. P. indique que « la nuisance n'est pas tant la hauteur des arbres que leurs racines qui s'introduisent dans le sol » de sa propriété et lui interdisent de monter à ses frais un muret destiné à mieux isoler les deux fonds et ainsi mettre fin au conflit de voisinage qui l'oppose à M. R.. Il estime cependant impossible de procéder à la coupe des racines sans rendre dangereux les arbres concernés en les fragilisant et en provoquant ainsi une mort et une chute prévisibles, et qu'un arrachage préalable des deux arbres se trouve ainsi nécessaire.

M. R., pour sa part, ne conteste nullement la réalité de ce dépassement des racines de ses arbres sur le fonds voisin, reconnaissant au contraire ce dépassement en ses écritures tout en affirmant que l'appelant a fait creuser un fossé le long de sa propriété afin de rendre apparentes des racines qui ne s'étendaient que sous le sol, cette excavation n'étant au demeurant pas démontrée.

Il n'est pas contestable qu'un propriétaire puisse légitimement s'opposer à toute immixtion sur son fonds, y compris celles des racines des arbres. L'avancée des racines des arbres de M. R. sur le fonds de M. P. constitue un trouble anormal du voisinage portant atteinte au droit de propriété de celui-ci.

Aucun élément produit aux débats par M. P. n'établit que seul l'arrachage des deux sapins litigieux serait de nature à permettre la coupe et l'extraction des racines qui dépassent sur son fonds et en déforment le sol. Le risque que causera éventuellement à ces végétaux la coupe de leurs racines relèvera de la seule responsabilité de M. R., le principe de la nécessité de cette coupe étant acquis pour mettre fin au dépassement des racines sur la propriété de M. P. dont il sera rappelé qu'il dispose de la possibilité légale d'y procéder lui-même.

Par ailleurs, l'autorisation que confère l'article 673 du Code civil au propriétaire du fonds envahi de couper lui-même les racines des arbres du fonds voisin à la limite de la ligne séparative vise seulement à exonérer le propriétaire du fonds sur lequel avancent les racines, s'il les coupe lui-même, de toute responsabilité quant aux conséquences relatives à la santé ou la stabilité des arbres desquels elles proviennent, à l'égard du propriétaire de ces arbres. Elles n'ont cependant pas pour effet de restreindre son droit à obtenir réparation du dommage que lui causent ces racines. Il est donc inexact de soutenir, ainsi que le fait M. P., que ce texte interdirait au propriétaire du fonds envahi de solliciter la condamnation du propriétaire de l'arbre à les éliminer.

En considération de l'ensemble de ces éléments, il convient d'infirmer la décision entreprise sur ce point et de condamner M. R. à faire extraire et couper les racines des deux sapins litigieux, à charge pour M. P. de laisser l'accès à sa propriété à cette fin au particulier ou à l'entreprise qui en sera chargé(e). La demande d'arrachage et de dessouchage des sapins présentée par M. P. sera rejetée comme non nécessaire pour remédier au trouble du voisinage constaté, de même que la demande d'astreinte qui en est l'accessoire.

Référence: 

- Cour d'appel de Bourges, Chambre civile, 26 novembre 2020, RG n° 19/01069