Suivant acte authentique passé le 18 décembre 2002 en l'étude de Me B, notaire à Mimizan, les époux C ont acquis de Monsieur M, une maison d'habitation avec garage et terrain situé [...], le tout cadastré section AI n° 42, d'une contenance de 13 ares et 45 ca, pour un prix de 126.500 EUR.
En 2005, les époux C. ont fait procéder à la division de leur lot en deux parcelles :
- la parcelle désormais cadastrée AI 132, d'une superficie de 545 m2 pour être conservée par eux en vue d'y construire une maison d'habitation,
- la parcelle désormais cadastrée AI 133, d'une superficie de 800 m2 déjà bâtie, et destinée à la vente
Suivant acte authentique passé le 3 février 2006 en l'étude du notaire de Mimizan avec la participation d'un confrère, les époux C ont vendu aux époux A la parcelle cadastrée AI 133 pour un prix de 196.000 EUR.
S'agissant de la parcelle AI 132, les époux C ont obtenu un permis de construire référencé PC 4018406 MI065. A la suite de l'affichage de ce permis de construire, les époux C ont fait connaître leur opposition à ce projet immobilier en ce qu'il serait en infraction avec le cahier des charges du lotissement dont dépend le terrain conservé par les époux C, et plus précisément avec les articles 20 et 28 qui indiquent :
- article 20 : 'La division pure et simple d'une parcelle est rigoureusement interdite'
- article 28 : 'Il ne pourra y avoir qu'un seul logement par lot'
C'est dans ces conditions que les époux C ont fait assigner les notaires, ainsi que leurs sociétés civiles professionnelles respectives, sur le terrain de la responsabilité en réparation de leur préjudice.
Conformément aux dispositions des art. L. 442-9 et L. 442-10 du Code de l'urbanisme, les dispositions du cahier des charges du lotissement interdisant la division des parcelles et imposant la construction d'un seul logement par lot sont opposables aux requérants qui ont précisément divisé leur parcelle pour la revendre partiellement et construire une maison sur la nouvelle parcelle non bâtie dès lors que ce cahier des charges a bien valeur contractuelle entre les parties, faute d'avoir été modifié à la majorité qualifiée des colotis. Les notaires, rédacteurs des actes authentiques d'acquisition et de revente partielle du lot, n'ont fait aucune référence au lotissement et au cahier des charges dans le corps des actes et se sont abstenus de toute vérification alors que la fiche d'immeuble annexée à l'acte d'acquisition faisait pourtant référence à l'existence d'un lotissement, ce qui constitue un manquement fautif de leur part. Pour leur défense, ils ne peuvent invoquer le fait que les victimes ne les ont pas informés de leur projet de division future, ces dernières ayant le droit d'être informées de l'intégralité des charges pesant sur le bien acquis. Ils ne peuvent davantage exciper des manquements du géomètre-expert et de l'architecte.
Le préjudice résidant dans l'impossibilité de diviser le terrain et de construire une maison ne peut en effet trouver sa source dans les manquements éventuels de ces professionnels. Les requérants ont ainsi subi un manque à gagner d'un montant de 56 983 EUR correspondant à la différence entre le prix de vente de la parcelle bâtie et sa valeur estimée par un professionnel. lls ont également engagé des frais d'un montant total de 19 644 EUR (honoraires d'architecte, frais de constat d'affichage du permis de construire, taxes d'urbanisme, frais de branchement aux réseaux publics, frais d'abonnement aux réseaux, frais d'expertise immobilière, frais de clôture).
En outre, la déconvenue et les tracasseries liées à l'impossibilité de mener à bien leur projet intial leur ont occasionné un préjudice moral évalué à 5 000 EUR. Les notaires sont en conséquence condamnés in solidum à verser aux requérants la somme totale de 81 537 EUR à titre de dommages et intérêts. A cet égard, la cour d'appel rappelle que l'opération d'achat et de revente partielle leur a quand même permis de dégager une plus value non négligeable et de demeurer propriétaires d'un terrain, certes peu négociable en l'état actuel des choses, mais qui conserve une potentialité pour les années à venir.
- Cour d'appel de Poitiers, Chambre civile 3, 24 sept. 2014, RG 3/02949, 13/02895