M. et Mme A sollicitent la réformation du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lisieux le 12 novembre 2018 aux motifs que M.et Mme X ne rapportent pas la preuve de l’existence d’un trouble anormal du voisinage suite au mur qu’ils ont fait édifier au-dessus du mur séparatif existant entre leurs deux propriétés respectives.
M. et Mme A contestent que la construction du mur litigieux cause un préjudice à M.et Mme X résultant d’une perte de luminosité et d’ensoleillement dans leur jardin.
M. et Mme A affirment que, contrairement à ce qu’a retenu le tribunal de grande instance de Lisieux, il n’est pas démontré qu’au zénith, le jardin de M. et Mme X se trouverait privé d’ensoleillement. Ils ajoutent que la propriété de M. et Mme X se situant dans une zone urbanisée, le jardin n’a jamais pu être ensoleillé par l’ouest et que donc l’édification du mur située à l’ouest du jardin des époux X n’a pas pu aggravé cette absence d’ensoleillement.
M. et Mme A soulignent que le rapport d’expertise amiable et les photographies produites qui ont été prises de manière non contradictoire, à une date et à une heure déterminée, seraient insuffisants à rapporter la preuve du caractère anormal du trouble du voisinage invoqué par M. et Mme X.
M. et Mme X soutiennent quant à eux que la construction de leurs voisins leur cause un trouble anormal du voisinage, projet pour lequel ils tiennent à souligner qu’ils n’ont jamais été informés ni donné leur accord.
Au soutien de leurs prétentions, ils soulignent que la construction de ce mur réduit considérablement l’ensoleillement de leur propriété puisqu’à l’origine celui-ci mesurait 1,66 mètres de hauteur et que depuis qu’il a été surélevé par un mur de 2 mètres de hauteur, ce mur atteint aujourd’hui une hauteur de 3,66 mètres.
Qu’ainsi, leur propriété se trouve nécessairement privée de la lumière naturelle du soleil qui ne pouvait provenir auparavant que du zénith et de l’ouest au-dessus du mur séparatif, leur propriété se trouvant déjà enclavée au sud et à l’est par des parois rocheuses de plus de 6 mètres provenant d’une ancienne carrière.
M. et Mme X ajoutent que la surélévation du mur séparatif provoque une forte sensation d’enfermement.
Enfin, M. et Mme X soutiennent que la construction du mur et de la terrasse par M. et Mme Ai créent un accès direct et plongeant sur leur propriété compromettant ainsi leur vie privée.
M. et Mme X sollicitent à titre principal, la démolition du mur et de la terrasse sous astreinte de 100 EUR par jour de retard et à titre subsidiaire la condamnation in solidum de M.et Mme ANini à leur payer la somme de 15.000 EUR à titre de dommages et intérêts en réparation des troubles anormaux du voisinage subis.
En application de l’article 544 du code civil, le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou le règlement est limité par l’obligation qu’il a de ne pas causer à la propriété d’autrui de dommage dépassant les inconvénients normaux de voisinage.
Il est constant qu’il appartient à celui qui se prévaut de l’existence de troubles de cette nature d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, M. et Mme A ont déposé le 23 juillet 2014 une déclaration préalable complémentaire de travaux auprès de la Mairie de Trouville-sur-Mer pour la surélévation d’un mur sur construction existante.
Par arrêté du 22 août 2014, le Maire a validé le projet de M. et Mme A son autorisation étant assortie de la prescription de réaliser un mur en pierre sur le modèle de la façade du petit bâtiment sur lequel s’appuie le nouveau mur séparatif. M. et Mme X contestent avoir jamais donné leur accord pour cette construction ni même avoir permis à M.et Mme A d’accéder de par leur propriété pour réaliser cette construction.
Il résulte des pièces produites et en particulier du constat d’huissier du 17 février 2017 et du rapport d’expertise amiable du 20 avril 2015 que le mur séparant les deux propriétés des époux ANini et X était en pierre et mesurait à l’origine 1 mètre de hauteur.
M. et Mme Aont fait surélever ce mur par un autre mur constitué de dix rangs de parpaings de 20 cm chacun, soit une hauteur supplémentaire de 2 mètres sur une longueur de 6,66 mètres afin d’y adosser une terrasse en hauteur accessible depuis leur jardin construite au-dessus de leur ancienne remise à outils. Aujourd’hui, il ne saurait être contesté que ce mur atteint 3,66 mètres de hauteur.
Aux termes de son rapport, l’expert missionné par la compagnie d’assurance protection juridique de M.et Mme X indique qu’ 'il est évident que ce nouveau mur va réduire considérablemet l’ensoleillement de la propriété X'.
M. et Mme A ne sauraient prétendre que l’expert amiable n’a pas mesurer contradictoirement la perte d’ensoleillement subi par M.et Mme X, alors que M. A a été dûment convoqué aux opérations d’expertise et qu’il était présent lors de la réunion d’expertise le 13 mars 2015.
Il résulte également des photographies produites par M. et Mme X et bien qu’il ne soit pas possible d’établir la date et l’heure déterminées auxquelles elles ont été prises, que celles-ci ont été nécessairement faites avant la surélévation du mur par M. et Mme A.
Le jardin d’agrément situé à l’arrière de la maison d’habitation de M. et Mme X ne pouvait être éclairé que par la lumière naturelle en provenance du zénith et du côté ouest puisque leur propriété se trouve déjà enclavée au sud et à l’est par des parois rocheuses de plus de six mètres issues d’une ancienne carrière.
En outre, s’il est constant que la propriété de M.et Mme X se trouve en zone urbanisée, aucun élément ne permet d’établir au contraire que leur propriété était déjà privée d’ensoleillement avant l’édification du mur litigieux.
Aussi, il est manifeste que la construction de ce mur qui est passé de 1,66 mètres à 3,66 mètres a eu pour effet d’aggraver le manque de soleil et de luminosité de la propriété de M.et Mme X.
En outre, la réalisation de ce mur a eu pour effet de créer une forte sensation d’enfermement la propriété étant déjà, du fait de sa configuration, enclavée à l’est et au sud par les six mètres de parois rocheuses. Il apparait donc au regard de ces éléments que M.et Mme X subissent un trouble anormal du voisinage.
Aussi, M. et Mme A sont deboutés de leur demande de réformation et en conséquence le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
- Cour d'appel de Caen, 1ère chambre civile, 26 avril 2022, RG n° 19/00588