La cour regrette que l’expert n’ait pas procédé à un relevé de la luminosité dans chacun des appartements dont les fenêtres donnent sur l’immeuble litigieux avant le début des opérations de construction. Un tel constat aurait permis de mesurer avec précision la perte de luminosité.
Cependant, cette absence de mesure ne peut pas être reprochée aux requérants, qui ne sont ni des professionnels du bâtiment, ni des professionnels du droit. Une telle mesure aurait dû être sollicitée par la société Arc Promotion elle-même, demanderesse à l’expertise, qui était parfaitement à même d’apprécier l’intérêt de telles mesures.
Par ailleurs, il ne peut être contesté, sans faire preuve d’une mauvais foi patente, que l’édification d’un immeuble d’une hauteur de 12 m de l’autre côté d’une ruelle large de 5 m entraîne une perte significative de la luminosité des pièces de l’immeuble y faisant face.
L’absence de luminosité dans les pièces impactées n’est certes pas entièrement imputable à la construction litigieuse puisque cette façade est orientée nord/nord est et par conséquent soumise à un ensoleillement limité aux rayons du soleil le matin.
Par contre, le fait de priver les pièces de cette façade du peu de luminosité dont elles bénéficiaient avant l’édification litigieuse constitue un trouble qui excède ce qui est normalement supportable, l’importance de la lumière dans des pièces de vie n’étant pas à démontrer.
Le fait que les logements des requérants disposent d’autres pièces ne faisant pas face à la construction litigieuse et dont par conséquent la luminosité a été préservée, n’est pas non plus de nature à diminuer l’importance du troubleconstaté dans les pièces impactées.
En définitive, il est incontestable que les pièces situées en face de l’immeuble édifié par la société Arc Promotion ont subi une diminution de la luminosité en raison de la hauteur de cet immeuble et de la faible distance séparant les deux constructions.
Cette perte de luminosité est au demeurant reconnue par M. I, agent immobilier, auquel la société Arc Promotion a eu recours pour faire établir un rapport d’expert, ainsi qu’il sera vu ultérieurement.
Cette perte est toutefois relative du fait de l’exposition nord/nord est de la façade des requérants, ce dont le tribunal a manifestement tenu compte en allouant des dommages et intérêts modestes en relation avec un préjudice lui-même de faible ampleur.
Enfin, il n’est pas contestable que la faible distance entre les constructions occasionne des vues plongeantes dans certaines pièces des défendeurs. L’expert judiciaire a même relevé que les balcons en surplomb offrent des vues obliques sur les anciens immeubles à une distance de moins de six décimètres, en contrariété avec l’article 679 du code civil.
L’anormalité du trouble découlant de ces vues irrégulières et de la perte de luminosité ne peut pas enfin être sérieusement contestée par le seul fait que l’immeuble a été érigé en zone de forte densité urbaine, dans un secteur en pleine mutation où s’élèvent nombre d’immeubles de même hauteur et de même envergure.
L’importance des troubles relevés provient en effet essentiellement de la très faible distance entre les deux immeubles, ce qui, même en zone de forte concentration urbaine, ne peut pas être considéré comme une situation normale.
Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu’il a reconnu que la société Arc Promotion est à l’origine d’un trouble anormal du voisinage et doit réparer les préjudices subis.
- Cour d'appel de Versailles, 4e chambre, 6 juillet 2020, RG n° 18/01742