L'article 1638 du Code civil dispose que "si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité".
Il appartient en vertu de ce texte au vendeur d'informer l'acquéreur de l'existence et de l'étendue des sujétions résultant de servitudes légales ou administratives exceptionnelles non apparentes, dont l'acquéreur n'est pas censé avoir connaissance.
Tel est notamment le cas des servitudes administratives non apparentes qui ne sont pas une conséquence normale de la nature ou de la situation de l'immeuble.
Le vendeur est, en outre, garant des charges apparentes dont il a faussement affirmé lors de la vente qu'elles n'existaient pas, une telle faute engageant sa responsabilité contractuelle.
S'agissant de la servitude litigieuse, l'article L 152-3 du Code rural et de la pêche maritime énonce qu'il est institué, au profit de collectivités publiques et de leurs concessionnaires ainsi qu'au profit des établissements publics, une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure, dans les conditions les plus rationnelles et les moins dommageables à l'exploitation présente et future, en vue de l'irrigation, des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations.
L'ordonnance n°2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires, ratifiée par la loi n°2004-1343 du 9 décembre 2004, prévoit en son article second que les associations syndicales autorisées (les ASA) sont des établissements publics. Elles entrent donc dans le champ défini par l'article L 152-3 du code rural et de la pêche maritime ainsi que l'indique l'article 28 de l'ordonnance qui ajoute qu'une servitude peut être instituée pour l'entretien d'ouvrages qui traversent les cours, jardins, parcs et enclos, qu'ils soient ou non attenants aux habitations.
L'ordonnance édicte en son article 4 des règles spécifiques visant les propriétaires des immeubles inclus dans le périmètre des ASA, dont le président de l'association tient à jour l'état nominatif et le plan parcellaire, et doit recevoir notification par le notaire qui en fait le constat de toute mutation de propriété d'un de ces immeubles.
Ce même article impose en outre une obligation particulière d'information au vendeur d'un immeuble grevé d'une telle servitude qui 'doit, en cas de transfert de propriété, informer le futur propriétaire de cette inclusion et de l'existence éventuelle de servitudes'.
Il appartenait donc à Jean-Claude D.-A. d'informer Pamela M. et Julien S. de l'existence de la servitude de canalisation grevant la parcelle qu'il leur a cédée, ainsi que de ses conséquences, notamment de l'obligation qu'elle leur imposait de ne pas entraver son exercice, et de permettre un accès à l'installation pour la réalisation des opérations nécessaires à son entretien.
Or non seulement cette information n'a pas été délivrée, mais l'acte contient, au contraire, l'affirmation de l'absence de borne et de canalisation.
Cette mention est contraire aux constatations réalisées par maître Gilles A., huissier de justice, le 21 juin 2017, lequel a observé dans l'angle nord-est de la parcelle acquise par Pamela M. et Julien S. la présence d'un regard constitué de béton fermé par une plaque de métal permettant, une fois enlevée, d'observer, à une profondeur d'un mètre, une borne d'irrigation de laquelle part une canalisation orientée d'est en ouest, qui traverse la propriété approximativement en son milieu.
Les photographies en couleur figurant dans le procès-verbal permettent d'observer le parcours de cette canalisation qui traverse la parcelle de part en part et passe à l'arrière de la maison.
Le second procès-verbal établi par maître Gilles A. le 21 mars 2018 après que Julien S. ait pratiqué un trou mettant à jour la canalisation enterrée, permet de démontrer sa présence dans la direction précédemment décrite, en un point situé à moins de cinq mètres de la partie de la maison dans laquelle se trouve la salle d'eau.
La présence d'une borne et d'une canalisation fondées sur une servitude de l'article L 152-3 du Code rural et de la pêche est donc avérée.
Or la vente litigieuse portait sur une maison à usage d'habitation, à la différence de la précédente vente qui avait un objet plus large et portait sur une exploitation agricole.
Il s'ensuit que Jean-Claude D.-A. était censé connaître l'existence de la borne et de la canalisation d'irrigation, qui était normale, nécessaire pour satisfaire les besoins de son exploitation, et faisait de plus l'objet d'une mention informative insérée dans son titre ; tel n'était pas le cas de Pamela M. et Julien S., qui étant la première sans emploi, le second graphiste, étaient profanes en matière agricole, et n'acquéraient pas une exploitation, mais leur maison d'habitation ; ils n'étaient donc pas en mesure de connaître l'existence d'une telle charge revêtant dans ces circonstances un caractère exceptionnel et non-apparent.
Si elle était apparente, la présence du regard ne pouvait pas leur permettre de connaître la présence et la destination d'une canalisation et d'une borne, dont leur vendeur et notaire leurs déclaraient qu'elles étaient absentes. Ils ne pouvaient, a fortiori avoir connaissance des sujétions résultant de cette servitude administrative.
Jean-Claude D.-A. ne peut utilement se prévaloir d'une erreur du notaire rédacteur de l'acte, celui-ci n'ayant pas été appelé à la cause, et une telle erreur n'étant pas de nature à l'exonérer de l'obligation d'information à laquelle il était tenu envers ses acquéreurs.
C'est donc par une exacte analyse des éléments soumis à son appréciation que le tribunal a dit que Jean-Claude D.-A. était tenu de verser l'indemnité prévue par l'article 1638 du Code civil.
Il résulte des constatations de maître Gilles A. que la canalisation traverse la parcelle de part en part, ce qui empêche toute construction sur une emprise de cinq mètres de chaque côté, et impose un passage sur la propriété qui doit demeurer accessible pour les opérations d'entretien.
Ces éléments entraînent une dépréciation de la valeur du bien dont la compensation justifie une indemnité de 7 000 EUR.
La perte de jouissance invoquée est également justifiée, en raison de l'obligation de devoir supporter les désagréments liés à l'usage et à l'entretien de la canalisation et de l'impossibilité de modifier l'état du sol sur l'emprise de l'installation. Elle doit être compensée par une indemnité de 7000 EUR.
Il ne peut être opposé que la réparation doit être limitée au déplacement de la canalisation tel que proposé par l'ASA, qui aurait pour effet de mettre un terme au préjudice futur, mais non de réparer le préjudice subi.
Le jugement sera confirmé sur ces points.
- Cour d'appel d'Agen, 1re chambre civile, 2 juin 2021, RG n° 19/00691