Les règles de distance opposées par le Code rural et de la pêche maritime (C. rur., art. L. 111-3) aux projets de construction de bâtiments agricoles situés à proximité d'habitations ont un effet de réciprocité. Elles sont ainsi également opposables, par exception au principe d'indépendance des législations, aux projets de construction d'immeubles à usage d'habitation. Ainsi qu'aux autorisations de lotir prévoyant des lots destinés à l'implantation de constructions nouvelles.
Aux termes du premier alinéa de l'art. L. 111-3 du Code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes " ; l'art. 2.1.1 de l'annexe I de l'arrêté du 7 février 2005 dispose que : " les bâtiments d'élevage et leurs annexes sont implantés à au moins 100 mètres des habitations des tiers " ; cet arrêté précise en son art. 2 : " Les dispositions de l'annexe I sont applicables dans un délai de quatre mois à compter de la publication du présent arrêté au Journal officiel. / Pour les installations existantes, déclarées au plus tard quatre mois après la publication du présent arrêté au Journal officiel, les dispositions mentionnées à l'annexe II sont applicables dans les délais suivants : (...) au plus tard le 31 décembre 2010 " ; l'annexe II de cet arrêté prévoit que les règles d'implantation fixées à l'annexe I sont applicables dans les délais prévus à l'art. 2 ; enfin, aux termes du 2.1.4 de l'annexe I de cet arrêté : " Les dispositions du 2.1.1 (...) ne s'appliquent, dans le cas des extensions des élevages en fonctionnement régulier, qu'aux nouveaux bâtiments d'élevage ou à leurs annexes nouvelles ".
M. et Mme A ont obtenu les 18 janvier et 25 avril 2008 du maire de la commune de Lees-Athas, agissant au nom de l'Etat, deux permis de construire pour la réalisation de maisons à usage d'habitation, situées à 50 mètres des bâtiments d'élevage de bovins de l'exploitation agricole de M.C, déclarée au titre des dispositions du livre V du code de l'environnement ; statuant sur renvoi après cassation par le Conseil d'Etat de son arrêt du 7 juin 2011, la Cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement contre le jugement du 14 mai 2010 par lequel le tribunal administratif de Pau a fait droit à la demande de M. C tendant à l'annulation des permis de construire délivrés à M. et Mme A.
Eu égard à l'objet des dispositions précitées de l'art. L. 111-3 du Code rural et de la pêche maritime, notamment du parallélisme qu'elles établissent entre les exigences qui pèsent sur l'implantation ou l'extension des bâtiments agricoles et sur les nouvelles constructions à usage non agricole, la circonstance que les dispositions de l'arrêté du 7 février 2005 prévoient, pour les bâtiments d'élevage existants, une application différée des règles de distance est sans incidence sur les conditions d'application, en vertu des dispositions précitées de l'art. L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, des règles de distance aux nouvelles constructions à usage non agricole ; dès lors, c'est sans erreur de droit que la Cour administrative d'appel de Bordeaux a fait application, à la date à laquelle les permis de construire ont été accordés aux époux A, de l'exigence d'éloignement de 100 mètres posée par l'arrêté du 7 février 2005 et a jugé que les constructions litigieuses ne respectaient pas les dispositions combinées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de cet arrêté ; il suit de là que le pourvoi de la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité doit être rejeté.
----
Il y avait une diffficulté de taille dans cette espèce. Le bâtiment agricole existant à l'égard duquel le projet de construction de maisons d'habitation devait prendre ses distances était un bâtiment agricole d'élevage déjà construit au moment de l'arrêté du 7 février 2005 réglementant les élevages de bovins, volailles, gibier à plumes et porcs. Et, dans cette situation, l'arrêté différait l'entrée en vigueur des règles de distance au 31 décembre 2010. Dés lors devait-on dispenser les permis de construire des maisons, accordés avant cette date, de toute règle de distance ? La réponse est négative au nom du parallélisme établi par le Code rural entre les obligations de distance pesant sur les bâtiments agricoles, comme sur les immeubles d'habitation. L'application différée de la distance minimum ne fait pas obstacle à une opposabilité immédiate de la règle à tout projet de construction d'un bâtiment non agricole.
- C.E., 8 juin 2016, req. n° 383.638, Ministre du Logement, de l'Égalité des territoires et de la Ruralité c/ Casavielle-Soule, sera mentionné aux tables du Recueil Lebon