En estimant que le caractère discrétionnaire du droit de renoncer à une assurance-vie n'empêche pas que ce dernier puisse dégénérer en abus, la Cour de cassation opère un revirement umportant . Une jurisprudence constante excluait en la matière tout contrôle de l'abus de droit et de la mauvaise foi. Mais la Cour de cassation va plus loin en disant ce qu'il faut entendre par "renonciation abusive".
M. et Mme L ont souscrit chacun, le 11 juin 2008, auprès de la société de droit luxembourgeois Fortis Luxembourg vie, aux droits de laquelle se trouve la société Cardix Lux vie, un contrat d'assurance sur la vie "Liberty 2 invest", libellé en unités de compte sur lequel il ont investi un même capital initial de 1 503 057,25 euro avant de procéder le 1er mars 2009 à un rachat partiel d'un montant de 344 500 euro chacun ; estimant ne pas avoir reçu une information précontractuelle conforme aux exigences légales, M. et Mme L ont, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception du 15 octobre 2010, reçue le 19 octobre suivant par l'assureur, exercé la faculté de renonciation prévue aux art. L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du Code des assurances ; l'assureur n'ayant pas donné suite à cette demande, M. et Mme L l'ont assigné en restitution de la somme de 1 158 557,25 euro augmentée des intérêts majorés.
1/ Au visa des art. L 132-5-1 et L 132-5-2 du Code des assurances, dans leur rédaction alors applicable :
Si la faculté prorogée de renonciation prévue par le second de ces textes en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme informatif qu'il édicte, revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en abus.
Ne saurait être maintenue la jurisprudence initiée par les arrêts du 7 mars 2006 (2e Civ., 7 mars 2006, pourvois n° 05-10.366 et 05-12.338, Bull. II, n° 63), qui, n'opérant pas de distinction fondée sur la bonne ou la mauvaise foi du preneur d'assurance, ne permet pas de sanctionner un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s'impose aux contractants.
Pour déclarer recevable et bien fondé l'exercice par M. et Mme L de leur droit de renonciation et condamner l'assureur à leur payer la somme de 1 158 557 euro, augmentée des intérêts majorés, l'arrêt d'appel retient que la faculté de renonciation prévue par le Code des assurances est un droit discrétionnaire pour l'assuré dont la bonne foi n'est pas requise, qu'il soit averti ou profane et ne peut donc dégénérer en abus.
En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
2/ Et au visa des art. L 132-5-1 et L 132-5-2 du Code des assurances, dans leur rédaction alors applicable :
Pour statuer comme il l'a fait, l'arrêt d'appel retient qu'en tout état de cause, l'assureur ne démontre pas que l'usage par M. et Mme L de la faculté de renonciation qui leur est ouverte du fait même des manquements de l'assureur, qui ne leur a pas remis les documents et informations prévus par des dispositions d'ordre public, constitue un détournement de la finalité de la règle de droit issue du Code des assurances, même s'ils peuvent ainsi échapper aux conséquences des fluctuations du marché financier.
En se déterminant ainsi, par voie de simple affirmation, en se bornant à constater que les conditions d'exercice du droit de renonciation étaient réunies, sans rechercher, au regard de la situation concrète de M. et Mme L, de leur qualité d'assurés avertis ou profanes et des informations dont ils disposaient réellement, quelle était la finalité de l'exercice de leur droit de renonciation et s'il n'en résultait pas l'existence d'un abus de droit, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a privé sa décision de base légale.
- Cass. Civ. 2e, 19 mai 2016, pourvoi n° 15-12.767, cassation, FS P+B+R+I