Les premiers juges ont justement retenu que nonobstant la quittance donnée dans l’acte authentique de dontion-partage (paiement en dehors de la comptabilité des notaires) des 22, 23 et 29 mai 2012 qui ne fait foi que jusqu’à preuve contraire, M. J avait régulièrement apporté la preuve du non-paiement de la soulte de 55. 000 €, notamment par les propres reconnaissances écrites de la débitrice, sa soeur. Ainsi dans sa lettre écrite au notaire le 17 juin 2014, celle-ci écrivait : "pour raisons familiales, cette somme due n’a pas été versée ce jour à mon frère car, comme convenu lors de la signature de la donation-partage, il s’était engagé, par contrat moral à ne pas percevoir cette somme", contrat qui serait selon elle resté purement verbal.
Il incombe dès lors à Mme A J d’apporter la preuve du fait que son frère lui a consenti la donation de la somme de 55 .000€, cette intention libérale ne se présumant pas.
Contrairement à ce qu’ont relevé les premiers juges, seule une partie de la soulte, d’un montant de 55. 000 €, a été versée à Mme Y par la comptabilité du notaire, le solde dû à chaque coïndivisaire ayant fait l’objet de modalités de paiement différé identiques de sorte qu’il n’est pas possible d’en déduire la volonté de M. T-K J de renoncer au paiement du premier acompte. A cet égard, celui-ci expose, de manière crédible, que la reconnaissance de paiement contenue dans l’acte notarié n’avait pour seul objectif que de permettre à sa soeur A d’obtenir de la banque le prêt qu’elle sollicitait pour désintéresser leur soeur aînée. Il n’est en tout cas pas soutenu que l’acte de donation-partage constituait une donation déguisée destinée à éluder les droits du fisc, aucun élément dans les échanges entre les parties n’évoquant un tel projet qui n’est d’ailleurs pas soutenu devant la cour.
Le fait que Mme A J ait avancé le paiement des frais d’actes tant qu’elle n’avait pas désintéressé son frère n’est pas non plus significatif, celle-ci n’ayant d’ailleurs pas manqué de réclamer de son frère la quote-part à sa charge.
Pour s’opposer à la demande en paiement de la somme de 55.000 €, Mme A J soutient que son frère a renoncé à percevoir cette soulte, étant animé à son égard d’une intention libérale. Elle explique celle-ci par sa volonté de la gratifier en raison des soins et de l’aide apportés à leur mère, de la volonté de leurs parents de maintenir l’immeuble dans le patrimoine familial et des difficultés financières qu’elle rencontrait. Mais M. T-K J, qui affirme avoir seulement voulu aider leur mère à conserver son cadre de vie et ses deux soeurs célibataires, très proches l’une de l’autre, à garder la maison après son décès si elles le souhaitaient, affirme avoir seulement accepté le paiement différé de la soulte qui représentait la majeure partie de ses droits successoraux.
Accueillant la version de A J, les premiers juges ont déduit la preuve de la renonciation de son frère à lui réclamer le paiement du capital de 55. 000 €, des courriels échangés entre le frère et ses soeurs et des attestations versées aux débats par A J, notamment de celles de sa soeur Z qui admet pourtant avoir toujours eu des relations conflictuelles avec T-K J, ce qui permet de douter de son objectivité.
Or si des mails échangés, il ressort que M. T-K J s’engageait à aider ses soeurs, il n’est pas possible de déduire de ses écrits, pourtant prolixes, dépourvus d’autocensure et passablement exaltés, que l’aide promise excéderait l’octroi de facilités dans le paiement de la soulte. L’interprétation que donne T-K des dits courriels est confortée par le fait qu’il envisageait la situation de ses deux soeurs de manière globale ("vous garderez la maison… Vous aurez déjà un endroit pour poser vos valises", écrivait-il à Z) et invoquait l’intérêt de leur mère : "Moi je signerai avec joie… ceci je le ferais pour Poudy et pour toi et pour maman… donc n’aie jamais peur, je serais toujours là, auprès de vous, toi, Poudy, maman et d’autres qui auront besoin de moi".
Ainsi si les courriels versés aux débats révèlent une certaine solidarité fraternelle face aux exigences intempestives de leur soeur aînée, ils n’expriment ni la volonté de M. J de se dépouiller de son patrimoine au profit de sa soeur A, ni la reconnaissance d’une dette à son égard en raison de sa présence auprès de leur mère avec laquelle elle cohabitait depuis 2007, ni la prise en compte d’une situation particulière justifiant le traitement privilégié d’A dont la situation familiale, professionnelle et sociale était comparable à la sienne, hormis le fait, non négligeable psychologiquement, que T-K J vivait en couple depuis plusieurs années, qu’il était propriétaire de son propre logement qu’il avait le projet d’améliorer et auquel il manifestait un grand attachement qu’il ne montrait pas pour la maison parentale et qu’enfin il pouvait se prévaloir d’une créance au moins aussi importante que celle de sa soeur en raison de l’aide apportée à leur mère. Il existait de fait entre les parties au litige des intérêts divergents qui n’étaient compensés ni par une différence de situation patrimoniale, ni par un attachement fraternel profond, les relations au sein de la fratrie tout comme entre l’intimée et la compagne de M. J étant, selon ses propres pièces, dégradées depuis longtemps. Au demeurant, il est incohérent pour A J de prêter à son frère une intention libérale inhabituelle dans les relations entre membres d’une même fratrie parvenus à l’âge adulte et non liés par des intérêts particuliers tout en le décrivant comme une personne en proie à des excès de violences physiques et verbales, adoptant à son égard un comportement harcelant et entretenant un climat de terreur.
M. T-K J justifie qu’il a lui-même beaucoup aidé leur mère après son veuvage, résidant avec elle de 1979 à 1988, années pendant lesquelles il lui réglait une pension tout en prenant en charge des frais d’entretien de la maison. Il justifie avoir continué à l’aider financièrement jusqu’à son décès, notamment par la prise en charge de partie de ses frais médicaux. Sa soeur ne démontre pas avoir apporté la même contribution financière même si sa présence aux côtés de leur mère dans les derniers mois de sa vie a été indéniablement utile, étant cependant relevé que l’appelant participait également à cette charge à l’exécution de laquelle elle lui reproche seulement d’avoir parfois fait faux-bond. Pour la période antérieure à son accident cérébral vasculaire de décembre 2012, il est démontré que la de cujus disposait d’une autonomie lui permettant de vivre seule de sorte que la cohabitation avec sa fille n’était pas nécessaire. Ainsi par exemple le fait qu’elle n’ait pu conduire son véhicule sur de longues distances selon sa fille ne signifiait pas qu’elle ne pouvait pas conduire le dit véhicule.
Ces éléments ne révèlent pas davantage que les courriels versés aux débats, l’existence au profit de Mme A J d’une créance "morale" à l’encontre de son frère du fait d’une aide apportée à leur mère, créance qui aurait expliqué la prétendue intention libérale.
Pour ces motifs et d'autres rapportés à l'arrêt, Mme A J est condamnée à payer à M. T-K J, son frère, la somme de 55 .000 € augmentée des intérêts au taux légal.
- Cour d'appel de Rennes, 1re chambre, 4 juin 2019, RG n° 17/05402