Aux termes de l'article L. 411-1 du Code rural et de la pêche maritime, « Toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L. 311-1 est régie par les dispositions du présent titre ; Cette disposition est d'ordre public. »
En l'espèce, l'appelant, l'exploitant, soutient que le bail qui lui a été consenti est soumis au statut du fermage en faisant valoir que :
- lors de la signature du bail , le bailleur ne pouvait ignorer l'activité de berger transhumant qu'il exerçait cette dernière ayant été même inscrite précisément dans le corps du bail,
- la superficie prise à bail est nettement insuffisante pour assurer la subsistance d'un troupeau de 1000 brebis en période estivale, ce que ne pouvait ignorer le bailleur,
- son troupeau de brebis passaient l'été dans les estives d'Ansabère, au-dessus du village de LESCUN, de mai à novembre, et les parcelles louées étaient utilisées comme aire de repos et de convalescence aux fins d'accueillir les brebis malades, blessés, aux pattes cassées ou venant exceptionnellement de mettre bas,
- il ne peut lui être reproché de n'avoir pas sollicité de déclaration d'exploiter, l'article L. 331-2 I du Code rural et de la pêche maritime soumettant à une telle autorisation un agrandissement d'exploitation lorsque la surface totale après reprise excède le seuil fixé par le Schéma Directeur Régional des Exploitations agricoles (SDREA) ; or, le siège principal de son exploitation agricole est situé dans le Gers, et dès lors soumis au SDREA de la Région Occitanie, qui fixe à 68 hectares le seuil de superficie nécessitant une autorisation, de sorte que son exploitation du Gers s'étendant sur un peu plus de 16 hectares et les parcelles litigieuses représentant une superficie de 12ha 31a, il n'était pas tenu de régulariser une déclaration préalable d'exploiter, ajoutant que l'estive communale d'Ansabère d'une superficie totale de plus de 1000 hectares dont il dispose de manière indivise en même temps que d'autres éleveurs transhumants n'intervient pas dans le calcul du seuil de contrôle des structures,
- il ne peut lui être reproché une absence de déclaration à la PAC des parcelles louées dans la mesure où le bail à ferme ayant été souscrit le 15 octobre 2015, il aurait fallu pour qu'il puisse bénéficier de ses droits à la PAC,il sollicite, avec le concours du bailleur, l'attribution des DPB détenus par le preneur précédent ne sachant pas si lui-même en avait fait la demande ; compte tenu de la complexité des démarches administratives à accomplir il n'a pas pris l'initiative de solliciter ses droits pour les parcelles louées.
Pour sa part, M. Michel C.-C, propriiétaire,. fait valoir que :
- dans la mesure où le preneur n'a jamais exploité les parcelles louées, condition essentielle pour se prévaloir du statut des baux ruraux la convention passée entre deux parties ne remplit pas les conditions posées par l'article L 411-1 du code rural et de la pêche maritime qui définit le bail à ferme,
- les attestations établies par les témoins voisins des parcelles en question, ne font état d'aucune présence animale sur ces parcelles,
- de surcroît il s'est permis de mettre la parcelle cadastrée Section B n° 54 à disposition d'un tiers, sans l'accord du propriétaire,
- en outre, il n'a pas sollicité d'autorisation d'exploiter, et omet sciemment de comptabiliser les superficies qu'il exploite dans le cadre des estive s'élevant à environ 250 ha, lesquelles ont pour effet de porter la superficie totale exploitée bien au-delà du seuil de contrôle des structures,
- en dépit de la sommation de communiquer qui lui a été faite, il n'a pas versé aux débats, les déclarations PAC 2016, 2017, 2018, et 2019.
Cela étant il est constant que par acte sous seing privé en date du 15 octobre 2015, portant l'intitulé « bail à ferme » M. Michel C.-C. a donné en location à M. Marcel E. diverses parcelles de terre situées sur la Commune de Lescun, d'une superficie totale de 12ha 31a 92ca, cadastrées comme suit : Section E n° 113, 118, 122, 128, 129, 130, 201, 202, 209, 210, 215 Section B n° 54, 71, 634, 635.
Il a été stipulé dans l'acte que
- le bail était consenti pour une durée de 3 années à compter du 1er janvier 2016 moyennant un « fermage annuel de 1.000 ' » avec une franchise de fermage pour l'année 2016 dès lors que le preneur s'engageait à faire ''gyrobroyer par l'entreprise Suhit'' au mois de mai 2016 les parcelles 202 et 54 où sont édifiées deux granges,
- « le bailleur souhaite restaurer 2 bâtiments agricoles cadastrées B56 et E 200 ; il pourra exploiter les bois sur B49 et B55 ; ces travaux ponctuels se feront de façon à gêner le moins possible les parcelles B54 et E 202 »,
- « le montant du loyer sera actualisé annuellement par application d'un indice départemental établi chaque année au 1er octobre par arrêté de M. Le Préfet »,
- « la validité du bail est liée au respect de la réglementation en matière de contrôle des structures », et, d'autre part, que : « Pour tout ce qui n'est pas prévu au présent bail, les parties déclarent s'en référer au bail type départemental ».
Il y a lieu d'observer que le caractère rural du bail, se détermine, sauf cas de fraude à la loi, par la commune intention des parties telle qu'elle apparaît dans les conventions.
Cette commune intention se détermine lors de la conclusion du bail.
En l'occurrence, il ressort des termes même de l'acte que les parties ont convenu de conclure un bail à ferme.
Il n'est de plus pas contesté que M. E. dont la qualité de « berger transhumant » est expressément mentionnée dans l'acte, exerce une activité agricole telle que définie par l'article L 311-1 du Code rural et de la pêche maritime.
Il ne peut pas être contesté que les terres litigieuses situées à proximité des estives d'Ansabère et comportant des parcelles en nature de landes et prés, ont été prises à bail par le preneur dans le cadre de cette activité.
Le fait pour le preneur de ne pas exploiter les parcelles conformément à la destination prévue, ne peut constituer qu'une inexécution du bail sans remettre en cause la nature juridique acquise lors de sa conclusion.
Le jugement entrepris doit dès lors être réformé de ce chef.
- Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 8 juillet 2021, RG n° 20/02638