La SCP J et M, huissier de justice, a, suivant procès-verbal des 6 et 8 août, 10, 11 et 12 septembre 2003, procédé à l'expulsion des occupants d'un immeuble appartenant à la société Les Dix arpents ainsi qu'à l'enlèvement des meubles qu'y avait entreposés le locataire, marchand d'art ; afin de garantir le paiement de sa rémunération et de ses débours, l'huissier de justice, invoquant le droit de rétention prévu par l'art. 22 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996, a refusé de se dessaisir des clés de l'immeuble jusqu'à ce qu'il y soit contraint, sous astreinte, par une ordonnance de référé du 21 mai 2007 ; le propriétaire l'a assigné en responsabilité et en indemnisation, pour exercice abusif de son droit de rétention.
Le propriétaire a fait grief à l'arrêt d'appel de rejeter sa demande en paiement des travaux de remise en état de l'immeuble ainsi que ses demandes en dommages et intérêts au titre de la privation de jouissance de son bien et d'un préjudice commercial, alors, selon le moyen soutenu par lui et en particulier que le droit de rétention appartient à l'huissier de justice pour garantir le paiement de sa rémunération et de ses débours ; que le droit de rétention, fondé sur la détention matérielle par un créancier d'une chose appartenant à son débiteur dont ce dernier reste propriétaire, oblige le détenteur à ne pas user de la chose et à en prendre soin ; qu'en décidant, néanmoins, pour débouter le propriétaire de sa demande en réparation, qu'il n'existait pas de lien de causalité entre les dégradations de l'immeuble survenues postérieurement aux opérations d'expulsion et la rétention des clés par l'huissier de justice, après avoir pourtant relevé que ce dernier avait exercé son droit de rétention desdites clés jusqu'à sa condamnation à les restituer à leur propriétaire par ordonnance de référé du 21 mai 2007, ce dont il résultait que l'huissier de justice était tenu jusqu'à cette date, en sa qualité de rétenteur des clés, de prendre soin de l'immeuble, de sorte que les dégradations se trouvaient en relation de cause à effet avec la rétention de l'immeuble par l'huissier de justice, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'art 1382 du code civil.
Mais le droit de rétention institué au profit de l'huissier de justice pour garantir le paiement de sa rémunération et de ses débours suppose la détention de la chose sur lequel il porte ; exercé sur les clefs d'un immeuble que cet officier ministériel détient pour avoir instrumenté l'expulsion de son occupant, il n'emporte pas la détention de l'immeuble lui-même ; par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'art. 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués par le moyen, la décision de rejeter les demandes indemnitaires du propriétaire, après avoir retenu qu'il n'existait aucun lien causal entre la rétention des clés de l'immeuble et les dégradations subies par celui-ci après l'expulsion, se trouve légalement justifiée.
- Cour de cassation, chambre civile 1, 11 mai 2017, N° de pourvoi: 15-26.646, cassation partielle, publié au Bull.