Mme H B veuve Y, Mme A-M B, M. X-N B (les consorts B) sont propriétaires indivis d’un bien immobilier sis à […]).
Par mandat exclusif du 3 avril 2014, ils ont confié à la société Agence de l’Epte, exerçant à Marines une activité d’agence immobilière sous l’enseigne Orpi, la vente de ce bien, au prix net vendeur de 275. 000 euro, outre 16 .000 euro de commission destinée à l’agence, soit un total de 291 000 euro.
Le 9 mai 2014, M. et Mme C ont adressé à l’Agence de l’Epte une offre d’achat au prix de 280. 000 euro. En l’absence de réponse des vendeurs, ils ont fait le 14 mai 2014 une seconde offre au prix de 291. 000 euro, comprenant les honoraires de négociation.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 mai 2014, M. D, de l’agence, a informé les consorts B de l’offre au prix du mandat et leur a indiqué se tenir à leur disposition pour la régularisation du compromis de vente.
Le 20 mai 2014, l’agence a reçu un courrier recommandé de M. X-N B se plaignant de n’avoir aucune nouvelle information.
Par courrier recommandé du 20 mai 2014, M. D a répondu à M. X-N B, pour lui confirmer l’offre des C au prix du mandat, soit 291. 000 eurs, dont 275. 000 euro nets vendeur plus 16. 000 euro de commission, en joignant l’offre d’achat de M. et Mme C.
Par courriers recommandés du 5 juin 2014, le conseil de l’Agence de Marines-ORPI a rappelé aux consorts B qu’une offre avait été formalisée par M. et Mme C au prix du mandat de 291. 000 euro qui ne saurait être déclinée et leur a précisé qu’un rendez-vous de signature du compromis avait été fixé en l’Etude notariale de maître E, le 12 juin 2014.
Par courriel du 6 juin 2014, Mme A-M B a écrit à l’agence en ces termes :
« Nous vous informons qu’il n’est plus nécessaire de faire visiter la maison.
Nous avons un acheteur au prix du mandat net vendeur plus votre commission, un compromis de vente sera signé chez le notaire de l’acheteur.
Le notaire vous avisera de la date.
Merci de nous rendre la clé de la maison ainsi que celle de la cabane. »
Le 11 juin 2014, maître de Pontville, notaire à Beauchamp, a indiqué à maître E que ses clients M. F et Mme G lui avaient fait part de leur intention d’acquérir la maison des consorts B. Le 12 juin 2014, il lui a transmis un courrier du 3 juin 2014 dans lequel les consorts B confirmaient que, conformément à leur accord du 10 mai 2014, ils souhaitaient vendre leur bien à M. F et Mme G, moyennant le prix de 275. 000 euros, outre la somme de 8. 000 euro que ces derniers devront verser à l’agence, en respect du mandat, alinéa 11.
Les consorts B ne se sont pas présentés au rendez-vous de signature fixé par maître E. Le 2 juillet 2014, ils ont écrit à l’agence pour dénoncer le mandat exclusif de vente. Le 1er octobre 2014, ils ont signé une promesse unilatérale de vente au bénéfice de M. F et Mme G et le 31 octobre 2014 signé l’acte authentique de vente à leur profit.
Par actes des 17 et 21 avril 2015, l’agence a assigné Mme H B veuve Y, M. X-N B ainsi que Madame A-M B en réparation du préjudice ainsi causé.
Seuls Mme H et M. X – N B ont constitué avocat.
Par jugement du 5 mars 2018, le tribunal de grande instance de Pontoise a :
Le tribunal a retenu pour l’essentiel que les consorts B ont manqué à leurs obligations en refusant de traiter avec l’acquéreur, présenté par l’agent immobilier, alors que celui-ci leur faisait une offre aux prix, charges et conditions du mandat, et en vendant à des tiers sans le concours de leur mandataire et que l’Agence de l’Epte est bien fondée en sa demande de paiement de l’indemnité forfaitaire prévue au contrat, le manquement de ses mandants à leur obligationde traiter avec l’acquéreur présenté par elle étant avéré.
Appel a été relevé.
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M. X N et Mme H B, vendeurs, exposent que le mandat du 3 avril 2014 prévoyait que l’agence s’engageait, dans le cas où le vendeur lui indiquerait une personne intéressée par le bien, à négocier la transaction, poursuivre sa mission jusqu’à signature de l’acte notarié, et à le faire bénéficier d’une diminution de 50 % des honoraires prévus. Or l’agence a catégoriquement refusé d’entrer en contact avec les consorts F G, présentés par ses mandants. Ils ajoutent qu’ils étaient en droit de préférer l’offre des consorts F G, qui étaient en mesure de faire un apport personnel plus important, et qu’il incombait à leur mandataire de les assister dans le choix d’offres concurrentes, ce qu’il n’a pas fait. Ils considèrent que l’indemnité à devoir à l’agence doit, en raison de ses fautes, être supprimée ou à tout le moins, fortement réduite.
L’agence rappelle que M. et Mme C ont fait une offre le 14 mai 2014 aux conditions du mandat, et que, dans leur lettre du 20 mai 2014, les vendeurs ne mentionnaient en aucune façon l’existence d’acquéreurs potentiels trouvés par leurs soins. Elle a donc fait signer à M. et Mme C un compromis de vente le 24 mai 2014. Elle souligne que l’affirmation des vendeurs selon laquelle ils auraient conclu un accord avec les consorts F G est en totale contradiction avec cette lettre, et qu’ils n’ont porté à sa connaissance l’existence de ces acquéreurs potentiels que le 6 juin 2014.
Elle fait par ailleurs valoir que la clause pénale prévue au mandat est parfaitement régulière et doit recevoir application, puisque les consorts B étaient tenus par les conditions du mandat.
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La rédaction du mandat exclusif est exempte de toute ambiguïté. Il y est en effet mentionné en caractère gras que le mandat étant consenti en exclusivité, le mandant s’interdit de négocier et ou vendre le bien sans le concours de l’agent immobilier, à peine d’indemnité égale au montant de la commission de l’agence. La présentation aérée de ce document exclut que cette clause ait pu échapper à un co-contractant normalement attentif. La clause pénale assortissant cette obligation, rédigée avec le même graphisme, est tout aussi claire.
Il est néanmoins indiqué dans ce même mandat, au point 11 des obligations de l’agent immobilier, que ce dernier s’engage, dans le cas où le vendeur lui indiquerait une personne intéressée par son bien, à négocier la transaction, poursuivre sa mission jusqu’à signature de l’acte notarié, et à faire bénéficier le vendeur d’une diminution de 50 % des honoraires prévus.
Ce mandat est parfaitement régulier.
Il ne permettait cependant pas à l’agence d’engager les vendeurs, en sorte que ces derniers conservaient la faculté, même postérieurement au recueil par l’agence d’une offre conforme au mandat, de lui présenter d’autres candidats acquéreurs, et de choisir, au besoin avec l’aide de l’agence, l’offre leur paraissant la meilleure.
Ainsi, même si peut paraître troublant le fait que M. X N B ne fasse aucune mention de l’offre des consorts F P dans le courrier recommandé qu’il a envoyé à l’agence le 19 mai 2014, étant néanmoins observé que la date de ce courrier ne résulte que de l’avis de réception, la vente n’étant pas parfaite puisque l’agence n’avait pas le pouvoir d’engager les vendeurs, ces derniers étaient en droit de faire usage de la faculté que leur réservait le mandat de présenter des acquéreurs, d’avoir ainsi un choix entre différentes offres, et d’obtenir une réduction des honoraires de vente.
Rien ne permet par ailleurs de remettre en question la sincérité de la pièce 8 des consorts B, qui est une lettre recommandée des consorts F et P adressée à l’agence et datée du 22 juin 2014, dans laquelle ils rappellent leurs vaines démarches faites à compter du 24 avril 2014 auprès d’elle pour visiter le bien, et faire une offre. Est bien mentionnée la commission due à l’agence, ramenée à la moitié de la somme initialement prévue.
Par courriel du 6 juin 2014, Mme A-M B a écrit à l’agence qu’ils avaient un acquéreur, et si ce courriel ne mentionne pas le nom des consorts F P, il fait expressément mention de la commission restant due, en sorte qu’aucune fauteou déloyauté ne peut être reprochée aux consorts B.
Le fait que ni la promesse de vente, finalement signée le 1er octobre 2014, ni l’acte de vente du 31 octobre 2014, ne fasse mention des honoraires de l’agence, s’il est regrettable, peut aisément s’expliquer par le contentieux alors initié par M. et Mme C, et l’agence, cette dernière faisant opposition auprès du notaire, et M. et Mme C assignant en référé aux fins de voir ordonner la vente à leur profit.
Il sera ainsi retenu que l’agence a manqué à son obligation prévue au point 11 du mandat exclusif, et est ainsi mal fondée à reprocher à ses mandants d’avoir traité avec des acquéreurs qu’elle ne lui a pas présentés.
Aucune demande de commission n’est faite sur le fondement de ce point 11.
Le jugement est donc infirmé en toutes ses dispositions et l’agence immobilière est déboutée de toutes ses demandes.
L’Agence de l’Epte, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d’appel, et contribuera aux frais de procédure exposés par les consorts B à hauteur de 3. 000 euro.
- Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 10 octobre 2019, RG n° 18/02596