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Le 23 mars 2020

 

Selon l’art. L 411-1 du Code rural et de la pêche maritime toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l’article L 311-1 est régie par les dispositions du présent titre, sous les réserves énumérées à l’art. L. 411-2. Cette disposition est d’ordre public.

Il en est de même, sous réserve que le cédant ou le propriétaire ne démontre que le contrat n’a pas été conclu en vue d’une utilisation continue ou répétée des biens et dans l’intention de faire obstacle à l’application du présent titre :

—  de toute cession exclusive des fruits de l’exploitation lorsqu’il appartient à l’acquéreur de les recueillir ou de les faire recueillir ;

—  des contrats conclus en vue de la prise en pension d’animaux par le propriétaire d’un fonds à usage agricole lorsque les obligations qui incombent normalement au propriétaire du fonds en application des dispositions du présent titre sont mises à la charge du propriétaire des animaux.

La preuve de l’existence des contrats visés dans le présent article peut être apportée par tous moyens. Il appartient à celui qui le revendique de rapporter la preuve des éléments de fait permettant de caractériser l’existence d’un contrat de bail à savoir, la mise à disposition d’immeubles (terres et bâtiments) à usage agricole, pour l’exploiter aux fins d’un usage agricole, le tout devant présenter un caractère onéreux.

En l’espèce, il est constant que les époux X ont cédé à M. A L leur maison d’habitation et des bâtiments situés à proximité des parcelles composant leur exploitation agricole d’une superficie de 18 ha 32 a 62 ca par acte notarié du 11 février 2014, que par réquisition d’instrumenter du 28 février 2014 ils ont donné leur accord pour céder ces parcelles agricole, moyennant le prix de 77.000 EUR payable comptant, à M. A L qui s’est proposé de les acquérir à ce prix par attestation notariée du même jour et que par courrier du 20 juin 2014, le notaire a informé M. A L de la volonté de les époux X de ne pas donner suite à la vente de ces parcelles.

Si M. A L produit quatre attestations de voisins mentionnant que ses bêtes sont présentes en pacage sur les terres des époux X, elles ne comportent toutefois aucune précision sur la situation des parcelles occupées, sur la date et la durée de l’occupation et surtout sur les conditions dans lesquelles cette occupation, à la considérer prouvée, s’est produite. De leur côté les époux X produisent les attestations de Ms. Vallée et Cousin établissant que M. A L laissait ses animaux paître sur les terres voisines de son exploitation de manière récurrente après son arrivée en 2000 et à partir du moment où ses clôtures se sont détériorées.

M. B, dont l’attestation est produite également par M. A L, indique qu’au cours du mois de septembre 2013 il avait entendu M. X dire à M. A L qu’il lui vendait son corps de ferme et lui louerait les terres. Néanmoins ce témoignage concerne des faits antérieurs à la signature de l’acte notarié de vente du 11 février 2014 et de l’attestation et la réquisition notariées du 28 février 2014, lesquels, pris ensemble, révèlent de manière probante que la commune intention des parties était de conclure une vente des parcelles agricoles au profit de M. A L, étant observé que ces documents ne mentionnent à aucun moment que ce dernier est autorisé à exploiter les terres en qualité de fermier dans l’attente de la vente, ni qu’en cas d’échec de celle-ci, soumise à une condition suspensive d’obtention d’un prêt bancaire par M. A L, un bail rural serait consenti à M. A L par les époux X, ce que les parties auraient pu aisément acter devant leur notaire dans le cadre de leurs pourparlers contractuels si telle avait été leur commune intention.

Il s’ensuit que la mise à disposition des terres par les époux X et l’occupation des terres par M. A L à des fins d’exploitation agricole ne sont pas établies et que même à considérer que cette occupation le soit, il existe un sérieux doute sur sa régularité.

Enfin, le caractère onéreux d’une mise à disposition de terres n’est pas davantage démontré par M. A L car la remise de deux chèques d’un montant de 2.500 EUR chacun, datés tous deux du 12 février 2014 et payés les 15 février et 3 avril 2014 ne suffit pas à elle seule à établir qu’elle correspondait au paiement de fermages. L’attestation de M. Z produite par M. A L n’est pas probante à cet égard puisque le témoin se contente sur ce point de reproduire les propos de M. A L lorsqu’il lui avait montré ces chèques. A cette seule preuve les époux X quant à eux opposent une facture de matériels datée du 15 septembre 2013 sur laquelle ils imputent le montant des deux chèques litigieux, ceci constituant une contradiction sérieuse de l’argumentation de M. A L malgré l’antériorité de la facture par rapport aux paiements et l’absence de mention de la vente de ces matériels dans l’acte de vente immobilière du 11 février 2014, aucun élément ne permettant de mettre en doute la concordance invoquée par les époux X.

Il se déduit de ces circonstances et considérations que M. A L ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les conditions cumulatives prévues par les dispositions sus visées pour la constitution d’un bail rural sont réunies. Dans ces conditions le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris le rejet des demandes en paiement que M. A L formule et dont le bien fondé découle de la reconnaissance d’un bail.

Référence: 

- Cour d'appel de Bordeaux, 12 mai 2016, RG n° 15/02652