Quel avenir pour les professions du droit en France ? C'était le thème de l'intervention de monsieur Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État lors de l'assemblée générale du Conseil supérieur du notariat (CSN) le 17 février dernier.
Faisant état du contexte actuel dans lequel les professions juridiques évoluent, monsieur Jean-Marc Sauvé a relevé que les notaires répondent aux attentes fortes et croissantes de sécurité juridique par leur fonction de conseil et par l'authentification des actes juridiques : (...) la forme authentique diffuse en effet une sécurité juridique maximale . L'essor des professions de droit lors de la dernière décennie s'est traduit aussi par un renouvellement des pratiques et l'entrée dans le numérique. Les notaires ont su moderniser leurs pratiques avec en particulier l'acte authentique électronique. S'agissant de ce que l'on nomme parfois l'ubérisation du droit : "il y a là un gisement de développement et d'innovation à exploiter, à condition qu'une régulation équilibrée et robuste soit adoptée et mise en oeuvre, afin de préserver la fiabilité et la qualité des services juridiques" (1).
Le regard porté par les pouvoirs publics sur les professions du droit s'est ainsi renouvelé, invitant à réexaminer ce qui fait leur spécificité.
Monsieur Sauvé a rappelé les trois chantiers de modernisation qui touchent aux conditions et forme d'exercice de ces professions : assouplir sinon "libérer" leurs conditions d'exercice, diversifier et densifier les formes d'exercice des professions du droit et réviser leurs conditions financières d'exercice. Sur ce point, avant la fin de ce mois (février), un décret devrait fixer une méthode de calcul de cette rémunération raisonnable, dans des limites précises et avec des bornes de variation.
Afin de mener à bien ces trois chantiers, plusieurs conditions doivent être réunies :
- ne pas perdre de vue les objectifs fondamentaux de la réforme engagée par la loi du 6 août 2015, qui vise à libérer les initiatives et les projets, mais aussi à garantir l'accessibilité du plus grand nombre aux services juridiques de base, cette accessibilité devant être préservée dans son volet financier grâce à la réforme tarifaire, mais aussi dans son volet territorial (...) ;
- ne pas déstabiliser l'efficacité et l'attractivité de notre modèle professionnel : la réglementation tarifaire devra à ce titre être la plus simple et la plus souple possible, ménager une montée en puissance progressive (...). En outre, lorsque de nouvelles installations seront nécessaires, un mécanisme d'indemnisation devra, le cas échéant, être actionné, afin de ne pas faire subir un préjudice anormal et spécial aux professionnels déjà installés (...) ;
- veiller à une bonne coordination entre les professionnels du droit et, au sein de chaque profession, entre les différents types de structure et les différents modes d'exercice, ainsi il est indispensable d'établir des règles précises et opérationnelles pour que les structures pluri-professionnelles, appelées à se développer, puissent fonctionner dans le respect des règles déontologiques propres à chaque profession.
En conclusion une plus ample respiration et une plus grande ouverture de ces professions paraissent raisonnables et possibles. Elles doivent donc être encouragées, sous réserve d'être maîtrisées.
(1) Ce que l’on nomme parfois l’ « ubérisation » du droit est un phénomène protéiforme et diffus, qui touche directement les professions juridiques et, notamment, celle des avocats et des notaires. Il y a là un gisement de développement et d’innovation à exploiter, à condition qu’une régulation équilibrée et robuste soit adoptée et mise en œuvre, afin de préserver la fiabilité et la qualité des services juridiques.
- Conseil d’État, intervention, 17 févr. 2016