Aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées des agglomérations et villages.
L’association pour l’application de la loi Littoral dans le pays d’Auray a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler l’arrêté du 7 avril 2016 par lequel le maire de Bangor a délivré à M. et Mme D un permis de construire deux maisons individuelles d’habitation au lieu-dit Domois.
Par un jugement no 1604413 du 18 octobre 2018, le Tribunal administratif de Rennes a annulé cet arrêté.
Par une requête, enregistrée sous le no 18NT04433 le 18 décembre 2018, M. et Mme D ont demandé à la Cour administrative d'appel de Nantes : 1°) d’annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande de l’association pour l’application de la loi Littoral dans le pays d’Auray ; 3°) de mettre à la charge de l’association pour l’application de la loi Littoral dans le pays d’Auray une somme de 3' 000 EUR au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.
Le époux D ont sotenu :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu’il n’a pas mentionné si les autres moyens soulevés par l’association étaient ou non de nature à entraîner l’annulation du permis de construire attaqué ; – c’est à tort que le jugement attaqué a considéré que le terrain d’assiette du projet se situait dans une zone d’urbanisation diffuse ;
– le tribunal n’a pas recherché si le terrain d’assiette du projet se situait en continuité d’un village existant ;
– les moyens invoqués par l’association pour l’application de la loi Littoral dans le pays d’Auray dans ses écritures de première instance et d’appel ne sont pas fondés.
Pour la Cour :
En premier lieu, aux termes de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, relatif à l’aménagement et à la protection du littoral, dans sa rédaction applicable au litige : « L’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement ». Il résulte de ces dispositions, sous réserve des exceptions qu’elles prévoient, notamment pour les activités agricoles, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.
Il ressort des pièces du dossier que le lieu-dit Domois, situé à près de 3 kilomètres du centre-bourg de la commune de Bangor et à environ 300 mètres du rivage, est entouré de vastes espaces demeurés à l’état naturel ou exploités à des fins agricoles. Ce lieu-dit est composé d’une quarantaine de maisons d’habitation et d’une exploitation agricole, desservies par des voies publiques. Si la vingtaine de constructions de la partie ouest du lieu-dit est regroupée de part et d’autre d’une voie publique, elle comporte en son milieu plusieurs parcelles non bâties. Quant aux constructions implantées dans la partie orientale du lieu-dit autour de trois voies publiques, elles sont édifiées de façon lâche sur de larges terrains et, pour plusieurs d’entre elles, séparées des autres par des parcelles non bâties. Dès lors, en l’absence d’un nombre et d’une densité significatifs de constructions, le lieu-dit Domois ne peut être qualifié d’agglomération ou de village au sens des dispositions de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme, et constitue une zone d’urbanisation diffuse au sein de laquelle aucune nouvelle construction d’un bâtiment ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres.
Par conséquent, c’est par une inexacte application des dispositions de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme que le permis de construire litigieux a été délivré.
En second lieu, aux termes de l’article L. 121-13 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : « L’extension limitée de l’urbanisation des espaces proches du rivage (…) est justifiée et motivée dans le plan local d’urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l’urbanisation est conforme aux dispositions d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un schéma d’aménagement régional ou compatible avec celles d’un schéma de mise en valeur de la mer. / En l’absence de ces documents, l’urbanisation peut être réalisée avec l’accord du représentant de l’État dans le département. Cet accord est donné après que la commune a motivé sa demande et après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites appréciant l’impact de l’urbanisation sur la nature. (…) ». En vertu du I de l’article L. 111-1-1 du même code, aujourd’hui repris en substance à l’article L. 131-1, les schémas de cohérence territoriale doivent être compatibles, notamment, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral prévues par les articles L. 145-1 à L. 146-9.
D’une part, il résulte de ces dispositions qu’une opération conduisant à étendre l’urbanisation d’un espace proche du rivage ne peut être légalement autorisée que si elle est, d’une part, de caractère limité, et, d’autre part, justifiée et motivée dans le plan local d’urbanisme selon les critères qu’elles énumèrent. Cependant, lorsqu’un schéma de cohérence territoriale ou un des autres schémas mentionnés par les dispositions du II de l’article L. 146-4 du Code de l’urbanisme comporte des dispositions suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions législatives qui précisent les conditions de l’extension de l’urbanisation dans l’espace proche du rivage dans lequel l’opération est envisagée, le caractère limité de l’urbanisation qui résulte de cette opération s’apprécie en tenant compte de ces dispositions du schéma concerné.
D’autre part, doivent être regardées comme une extension de l’urbanisation au sens de ces dispositions l’ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées. 12.
Il ressort des pièces du dossier que le lieu-dit Domois est situé à environ 300 mètres du rivage, dont il est séparé par des espaces naturels, tandis que l’existence d’une covisibilité entre le terrain et la mer n’est contestée par aucune des parties. Ce lieu-dit, qui est d’ailleurs recensé comme tel par le schéma de cohérence territoriale du pays d’Auray, est donc un espace proche du rivage. Ainsi qu’il vient d’être dit, il constitue une zone d’urbanisation diffuse éloignée de toute agglomération ou village existant. Dès lors, la délivrance d’un permis de construire deux maisons d’habitation d’une surface de plancher totale de 165 mètres carrés sur la parcelle en cause, au centre du lieu-dit, revient à ouvrir à la construction une zone non urbanisée et doit être regardée comme une extension de l’urbanisation, laquelle, en tout état de cause, n’est pas justifiée et motivée par le plan d’occupation des sols de la commune de Bangor, ni conforme aux dispositions du schéma de cohérence territorial du Pays d’Auray qui précise que "Dans les espaces proches du rivage, l’urbanisation se fait (…) en continuité » d’un village ou d’une agglomération". Dès lors, en délivrant le permis de construire litigieux, le maire de Bangor a fait une inexacte application des dispositions de l’article L. 121-13 du Code de l’urbanisme.
Il résulte de ce qui précède que l’association pour l’application de la loi Littoral dans le pays d’Auray est fondée à demander l’annulation de l’arrêté du maire de Bangor du 7 avril 2016.
- Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 30 mars 2020, req. 18NT04433, inédit au recueil Lebon