Dans le cadre d'un litige opposant Dansk Industri (DI), agissant pour une société de droit danois, aux ayants droit successoraux de M. Rasmussen, au sujet du refus de cette dernière d'accorder à M. Rasmussen une indemnité de licenciement, la Cour suprême du Danemark a interrogé la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) sur l'interprétation, d'une part, des art. 2 et 6 de la directive 2000/78/CE portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, et, d'autre part, du principe de non-discrimination en fonction de l'âge ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.
La première question visait à savoir si le principe général de non-discrimination en fonction de l'âge s'oppose à une réglementation nationale qui prive un employé du droit de bénéficier d'une indemnité de licenciement dès lors qu'il peut prétendre à une pension de vieillesse. Dans le prolongement d'un arrêt concernant le bénéfice de la même indemnité dont était privée toute une catégorie de travailleurs (CJUE, gr. ch. 12 oct. 2010, aff. C-499/08, EU:C:2010:600), la Cour de justice a considéré que le principe général de non-discrimination en fonction de l'âge, qui est concrétisé par la directive, s'oppose, même dans un litige entre particuliers, à une telle réglementation.
La seconde question, plus complexe et novatrice, visait à savoir si les principes de confiance légitime et de sécurité juridique pouvaient l'emporter sur le principe de non-discrimination, particulièrement en certaines circonstances.
La Cour européenne a souligné que l'obligation des États membres découlant d'une directive d'atteindre le résultat prévu par celle-ci ainsi que leur « devoir de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution de cette obligation » s'imposent à toutes les autorités de l'État, en ce compris les juridictions nationales, et ce même dans un litige entre particuliers.
C'est la théorie de l'interprétation conforme qui doit être privilégiée, cette théorie pouvant imposer aux juridictions nationales de modifier une jurisprudence établie qui reposerait sur une interprétation du droit national incompatible avec les objectifs de la directive. La protection de la confiance légitime ne saurait être invoquée en vue de priver un particulier d'une interprétation dégagée par la Cour de justice.
Le droit d'obtenir réparation dans une action contre l'État ne saurait non plus affranchir une juridiction nationale de l'obligation d'interpréter le droit national en conformité avec la directive ni conduire la juridiction nationale à faire primer la confiance de l'employeur dans le droit national auquel il s'est conformé.La Cour a également affirmé, en se référant à l'arrêt Association de médiation sociale (CJUE, gr. ch., 15 janv. 2014, aff. C-176/12, ECLI:EU:C:2014:21), que le principe de non-discrimination en fonction de l'âge, garanti par l'art. 21 de la Charte, était invocable en tant que tel dans les litiges entre particuliers, ce qui est une première affirmation de l'effet direct horizontal des droits fondamentaux garantis par la Charte.
- C.J. U.E., gr. ch., 19 avr. 2016, aff. C-441/14, Dansk Industri c/ Succession Rasmussen