Les époux S./W. et M. Christian P. sont propriétaires dans la cité lacustre de Port-Grimaud (Var) de parcelles contiguës pour être situées [...]. Un litige ayant opposé ces propriétaires voisins sur la nature et la hauteur de la haie végétale séparant les parcelles, les époux S./W. ont saisi le juge des référés du Tribunal d'instance de Fréjus d'une demande d'élagage ; par ordonnance du 16 août 2018, le litige a été renvoyé devant la juridiction statuant au fond.
Si l'article 544 du Code civil confère le droit de jouir « de la manière la plus absolue » des choses dont on est propriétaire, leur usage ne peut s'exercer en contrariété des lois et règlements, ni être source pour la propriété d'autrui, bénéficiant des mêmes prérogatives, d'un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage ; l'anormalité s'apprécie en fonction des circonstances locales, de la destination normale et habituelle du fonds troublé, de la perception ou de la tolérance des personnes qui s'en plaignent, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut. Le dommage s'entend pour les personnes de toutes dégradations des conditions de vie et pour les biens de tous désordres affectant le fonds voisin. S'agissant d'un régime de responsabilité autonome, fondé sur un fait objectif à l'exclusion de toute faute ou négligence, les dispositions des articles 1382 à1384 anciens du Code civil, aujourd'hui 1240 à 1242 lui sont inapplicables.
L'appelant se plaint du caractère inesthétique des plantations et d'une réduction de la vue sur le canal. Le caractère inesthétique en présence de pittosporums (1) est très relatif et ne ressort aucunement d'une façon aussi affirmée des divers constats précités et des multiples photographies se trouvant aux dossiers des parties.
S'agissant de la réduction de vue, il est de principe constant que nul ne dispose d'un droit à une vue immuable sur le paysage ou l'environnement immédiat ; en l'espèce les propriétés sont situées en milieu urbain dans un espace particulièrement dense s'agissant d'une cité lacustre dont la quasi-totalité des habitations sont mitoyennes ; les parcelles sont de faible surface ainsi qu'il ressort du plan de la cité annexé à l'acte d'acquisition du 12 novembre 1998 des époux S./W. et du plan du géomètre Deleval pour la parcelle de M. Christian P. soit des superficies inférieures à deux ares et demi ; les jardins d'agrément en sont réduits d'autant; enfin, les plantations litigieuses n'altèrent en rien la vue droite sur le canal et la limitation de la vue oblique sur ce même canal ne caractérise pas un « enfermement » de la propriété de M. S. comme il le prétent.
Contenu de l'ensemble de ces éléments, la preuve d'un trouble anormal de voisinage n'est pas rapportée.
(1) Le pittosporum est un arbuste nain de plusieurs espèces. Le plus connu est le "pittosporum tobira 'Nana', arbuste nain et compact au feuillage vert brillant, portant des ombelles de fleurs parfumées, en clochette. Taillé en boule et installé dans une poterie en terre cuite, ce pittosporum est souvent sur une terrasse.
- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re et 5e chambres réunies, 18 février 2021, RG n° 19/01211