Les 22 et 26 juin 2012, M. Y et Mme Z ont donné à la société Capi, agent immobilier, un mandat exclusif de vendre leur immeuble indivis sis à […],[…], au prix de 150' 000 euro, les honoraires de l’agent immobilier étant fixés à 12' 750 euro.
Le 15 octobre 2012, lasite société Capi a fait visiter l’immeuble à M. X et Mme A, son épouse, après signature d’un bon de visite précisant qu’en cas d’achat de l’immeuble, ils s’engageaient à ne traiter que par l’intermédiaire de cette agence.
Par acte authentique en date du 13 février 2013, M. Y et Mme Z ont vendu leur immeuble à M et Mme A par l’intermédiaire de l’agence immobilière G. Soyez pour un prix de 135 '000 euro et des honoraires de négociation de 8' 000 euro..
Par actes d’huissier en date des 18 et 26 septembre 2013, la SAS Capi a fait assigner M. Y et Mme Z d’une part, et M. et Mme X, d’autre part, aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer la somme de 12 '750 eurs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte des honoraires de négociation ainsi qu’au paiement de la somme de 3 '000 euro en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Appel a été relevé de la décision de première instance.
Concernant la nullité du mandat
Aux termes de l’art. L.121-23 du Code de la consommation, les opérations visées à l’art. L.121-21 doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes: (…)7° Faculté de renonciation prévue à l’art. 121-25, ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des arti. L.121-23, L.121-24, L.121-25 et L.121-26.
L’art. L.121-24 du même code prévoit que le contrat visé à l’art. L.121-23 doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l’arti. L.121-25.
Tous les exemplaires du contrat doivent être signés et datés de la main même du client.
Enfin, l’art. R.121-3 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que le formulaire détachable destiné à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation prévue à l’art. L.121-25 fait partie de l’exemplaire du contrat laissé au client.
Il doit pouvoir en effet être facilement séparé.
Sur l’exemplaire du contrat, doit figurer la mention "Si vous annulez votre commande, vous pouvez utiliser le formulaire détachable ci-contre".
Il n’est pas contesté que le contrat de mandat régularisé entre la SAS Capi et M. Y et Mme Z a été signé hors établissement et se voit soumis aux dispositions susvisées du Code de la consommation.
Si le contrat de mandat produit aux débats comporte un formulaire de rétractation intitulé 'Annulation de commande' figurant au verso du contrat, force est de constater que la mention prévue par l’art. R.121-3 du code de la consommation précisant 'Si vous annulez votre commande, vous pouvez utiliser le formulaire ci-contre’ ne ne trouve pas sur le contrat alors que le formulaire ne peut pas être détaché sans amputer les signatures des parties au contrat et que l’adresse permettant l’exercice effectif du droit de rétractation ne figure qu’au recto du contrat.
En effet, le découpage du formulaire de rétractation situé au verso entraîne de facto une mutilation des informations situées au recto comportant notamment les signatures des parties, caractérisant une altération du support contractuel.
Ainsi, le contrat de mandat litigieux ne respecte pas les conditions de formeprévues par le code de la consommation en vue de faciliter l’exercice du droit de rétractation de sorte qu’il y a lieu de prononcer la nullité du contrat de mandat et de débouter la SAS Capi de sa demande en dommages et intérêts formée à l’encontre de M. Y et Mme Z.
La décision entreprise (annulatio du mandat) est confirmée sur ce point.
Concernant les demandes de la SAS Capi à l’encontre de M. et Mme X
Aux termes de l’art. 1147 du Code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il n’est pas contesté que M et Mme X ont visité l’immeuble litigieux par l’intermédiaire de la SAS Capi le 15 octobre 2012 et qu’ils ont signé un bon de visite précisant : "En cas d’achat ou de location directement ou par personnes interposées, nous nous engageons à ne traiter que par votre intermédiaire. Nous nous interdisons tout accord direct avec le propriétaire".
En outre, il résulte des échanges de courriels intervenus entre les parties que M. et Mme X ont pris contact avec le négociateur de la société Capi dès le 27 septembre 2012 et que des pourparlers ont été organisés entre les parties par l’intermédiaire de la SAS Capi pendant plusieurs semaines jusqu’au mois de novembre 2012, la société Capi précisant dans un courriel du 8 novembre 2012:"'je n’ai plus de nouvelles de M et Mme X, ils ne répondent plus à mes appels depuis leur message du 2/11 précisant qu’ils abandonnaient le projet d’achat de votre maison".
Alors que M. et Mme X s’étaient contractuellement engagés à ne régulariser la vente de l’immeuble appartenant à M. Y et Mme Z que par l’intermédiaire de la SAS Capi, que la vente a été régularisée entre les parties par acte notarié en date du 13 février 2013 faisant suite à un compromis de vente régularisé le 7 décembre 2012, sans intervention de la SAS Capi.
Aux termes des dispositions de l’art. 1149 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.
Seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable; elle doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
Le premier juge a justement relevé que l’indemnisation sollicitée par la SAS Capi au titre de l’inexécution par les époux X de leurs obligations contractuelles s’analyse en une perte de chance de servir d’intermédiaire à la vente et de percevoir des honoraires.
En conséquence, compte tenu des démarches réalisées par la société Capi en vue de la réalisation de la vente, la violation de leur engagement par M. et Mme X sera justement indemnisée par l’allocation de la somme de 4 '750 eurs, la décision entreprise étant confirmée sur ce point.
- Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 4 juillet 2019, RG n° 16/06411