En application de l'article 1626 du Code civil, "quoique lors de la vente, il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente."
A l'appui de son appel, la sarl LMP W. fait valoir qu'elle a acquis le bien objet de la vente parce qu'il se trouve dans une résidence de retraite médicalisée destinée à une activité d'établissement habilité pour personnes âgées dépendantes ( EHPAD). Or cette destination est mise en échec par le retrait à la demande des vendeurs, de l'autorisation d'exploitation d'un EHPAD dans l'établissement de la Becthière à Duye pour le transférer au profit de nouveaux locaux exploités à Azay Le Rideau par les mêmes cocontractants. Il ajoute que la destination d'EHPAD est attachée à l'immeuble et qu'elle est donc nécessairement à long terme. Elle rappelle que les vendeurs sont codébiteurs solidaires.
En réplique, la SCI de l'Etang du Manoir et la SAS Résidence de la Becthière font valoir que la décision du preneur à bail des locaux cédés de ne pas renouveler son bail à échéance contractuelle, ne saurait être considérée comme un acte du vendeur de troubler la propriété, la possession ou la détention de l'acquéreur. La SCI de l'Etang du Manoir rappelle qu'elle n'a jamais garanti à la sarl LMP W. une destination d'EHPAD des biens vendus mais qu'elle lui a vendu des biens et droits d'un ensemble immobilier à destination d'activité commerciale de loueur en meublé dans le cadre d'une résidence d'habitation avec services ; que d'ailleurs, elle n'était pas titulaire de l'autorisation et qu'en outre, celle-ci a un caractère révocable. Elle précise qu'en revanche, la destination d'activité commerciale de loueur en meublé dans le cadre d'une résidence avec services, a vocation à perdurer après la résiliation du bail par la SAS Résidence de la Becthière.
En l'espèce, il ressort de l'acte de vente notarié conclu le 29 décembre 2005 que les vendeurs sont la SCI de l'Etang du Manoir et la SAS Résidence de la Becthière et s'obligent solidairement mais que les biens et droits immobiliers sont vendus par la SCI de l'Etang du Manoir et que les biens mobiliers sont vendus par la SAS Résidence de la Becthière.
Il ressort aussi de cet acte que les biens vendus sont des chambres avec salle d'eau et WC et leur quote-part afférente aux parties communes ; que l'immeuble dans lequel se trouvent lesdits biens, est « bâti à usage de maison de retraite » ; dans cet acte, il est précisé dans le paragraphe « propriété jouissance » d'une part, que l'acquéreur aura la jouissance à compter du jour de la vente, des biens par la perception de loyers, lesdits biens devant être loués à la SAS Résidence de la Becthière en vertu d'un bail régularisé concomitamment à l'acte de vente, que la SAS Résidence de la Becthière assurera la gestion de la maison de retraite, d'autre part que « les biens sont destinés à l'activité commerciale de loueur en meublé dans le cadre d'une résidence d'habitation avec services ».
S'agissant du contrat de bail conclu entre la sarl LMP W. et la SAS Résidence de la Becthière le même jour que l'acte de vente (p4 - la SCI de l'Etang du Manoir et la SAS Résidence de la Becthière), il est précisé qu'il s'agit d'un bail à loyer commercial, accepté pour une durée de 11 années et 9 mois avec faculté pour le preneur ou le bailleur de donner congé; que l'article 4 de ce contrat précise au titre de la destination des lieux loués que « le preneur ne pourra exercer dans les lieux loués même à titre temporaire, aucune autre activité que celle de maison de retraite médicalisée, qu'il fera son affaire pendant toute la durée du bail et de ses éventuelles reconductions, de toutes les autorisations légales, administratives et réglementaires requises par la réglementation régissant les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), de sorte que le bailleur ne puisse être inquiété à ce sujet » ; il est cité l'arrêté administratif du 17 décembre 2001 autorisant l'exploitation par la SAS Résidence de la Becthière de 45 lits dans le cadre d'un EHPAD.
S'agissant de l'acte de règlement de copropriété et de l'état descriptif de division, établi à la demande de la sarl LMP W., le 27 décembre 2005, et auquel renvoie l'acte de vente susvisé, il énonce en son article 7 que « l'immeuble est destiné à l'usage de maison de retraite dans le cadre des établissements et services sociaux et médico-sociaux mentionnés à l'article L312-1 du Code de l'action sociale et des familles ; l'établissement pourra être médicalisé ou non médicalisé, sous réserve de l'équipement nécessaire et de l'obtention de toute autorisation administrative préalable. A cet effet, l'assemblée générale des copropriétaires désignera une personne physique ou morale appelée établissement qui sera chargée de l'exploitation de la maison de retraite. ('). Chaque copropriétaire pourra signer un contrat de bail commercial avec l'établissement, c'est-à-dire la structure juridique d'exploitation. »
L'ensemble de ces pièces met en évidence que la sarl LMP W. a acquis des lots de copropriété dans un ensemble immobilier qui était une maison de retraite et que le règlement de copropriété établi par le vendeur pour la vente en lots de son bien prévoit que l'immeuble est destiné à l'usage de maison de retraite médicalisé ou non ; que l'acte de vente stipule aussi pour des raisons fiscales énoncées dans les documents préparatoires à la vente, que les biens sont destinés à l'activité commerciale de loueur en meublé (LMP) dans le cadre d'une résidence d'habitation avec services et que cette mention est corroborée par la déclaration de l'acquéreur énoncée dans l'acte de vente aux termes de laquelle « il déclare vouloir exercer dans les locaux l'activité commerciale de loueur en meublé ».
Ainsi la cour constate que l'acte de vente du 29 décembre 2005 a pour objet une maison de retraite sans autre précision ; il est aussi relevé que la destination de l'immeuble est déterminée par le règlement de copropriété qui peut être modifié par les copropriétaires.
De surcroît, il convient d'ajouter que le contrat de bail a été conclu par la sarl LMP W. avec la SAS Résidence de la Becthière dans un acte distinct de l'acte de vente ; qu'il n'entre donc pas dans le champ d'application de l'article 1626 du Code civil.
En tout état de cause, le bail commercial s'il stipule que le preneur exercera l'activité de maison de retraite médicalisée en respectant les prescriptions administratives, prévoit aussi qu'il est conclu pour une durée limitée et que son renouvellement est une faculté qui appartient à chacune des parties ; en l'occurrence, la sarl LMP W. ne conteste pas que le bail est arrivé à son terme et que la SAS Résidence de la Becthière lui a donné régulièrement congé.
Dans ces conditions, la sarl LMP W. ne caractérise pas la garantie d'éviction.
Pour ces motifs et ceux retenus par le premier juge, la demande de résiliation du contrat de vente au titre de la garantie d'éviction est rejetée.
- Cour d'appel, Orléans, Chambre civile, 8 Juin 2020, RG n° 18/02463