L'appelant conteste la validité des testaments de Jacqueline J. des 11 février 2008 et 30 avril 2009 sur le fondement de l'article 901 du code civil selon lequel : "Pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence".
Jacqueline J. a fait l'objet d'une mesure de protection, équivalente à une mesure de tutelle en droit français, ouverte par un jugement du 28 septembre 2010 du juge du tribunal de première instance de Torremolinos (Espagne), sur une requête datée du 15 février 2010 de Mme Josefa R. T..
Cette mesure ouvre à M. Bernard J. le droit d'agir en nullité à l'encontre des testaments litigieux en application des articles 489-1 ancien et 414-2 nouveau du code civil ; elle modifie également le régime probatoire de l'action en ce que, en vertu des articles 503 ancien et 464 nouveau du code civil, l'acte antérieur à la mesure de protection peut être annulé si la cause qui a déterminé l'ouverture de la tutelle existait notoirement à l'époque où il a été fait, sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve du trouble mental au moment même de l'acte.
Au soutien de sa demande, M. Bernard J. produit des documents, notamment médicaux, extraites du dossier de la procédure de tutelle espagnole concernant Jacqueline J., en se prévalant à cet effet d'une autorisation qui lui a été donnée par une ordonnance du tribunal de Torremolinos du 31 juillet 2015. Les intimés s'opposent à la production de ces pièces au motif que, sur recours contre l'ordonnance du 31 juillet 2015, cette décision a été mise à néant par une décision contraire du 17 décembre 2015.
L'ordonnance du 31 juillet 2015 a été obtenue de façon régulière par M. Bernard J. Il ressort de la décision du 17 décembre 2015 et du certificat de notification du 18 mars 2019 que le recours a été instruit à l'égard de Jacqueline J., pourtant décédée, sans que le requérant initial en ait été avisé. La décision du 17 décembre 2015 ne peut donc, au visa de l'article 45.1 du règlement UE n° 1215/2012, lui être opposée et les pièces dont il a reçu licitement communication sont recevables dans le présent procès.
La mesure de protection a été prononcée au vu d'un certificat établi parle Dr Maria A., médecin légiste, du 20 septembre 2010, ayant constaté une dégradation cognitive entraînant une incapacité pour Jacqueline J. à mener à bien par elle-même les actes les plus élémentaires de la vie quotidienne. Les troubles cognitifs avaient été constatés par le médecin traitant de Mme J., le Dr Nicolas C. C., dans son rapport du 16 novembre 2009, ainsi que dans le certificat du Dr Esperanza S. I., neurologue, du 1er décembre 2009, qui évoque une dégradation cognitive de 2 ans d'évolution et une probable maladie d'Alzheimer modérément grave.
Il n'en résulte pas que Jacqueline J. présentait de façon notoire, au moins à la date de son premier testament du 11 février 2008, les troubles pour lesquels elle a été placée sous tutelle plus de deux années plus tard et qui n'ont pas été repérés par les notaires qui ont reçu les actes. La requête aux fins d'ouverture de la tutelle, en date du 15 février 2010 fait bien remonter l'aggravation de l'état de Jacqueline J. à un an et demi auparavant seulement. Comme l'a retenu le tribunal, ces pièces médicales n'établissent pas son inaptitude, en 2018, à comprendre la teneur et la portée d'un testament et à exprimer lucidement sa volonté ; il relève à cet égard que, de façon notable, cette volonté s'est manifestée pour revoir ses dispositions futures simplement après le décès de sa nièce Hélène J., le 1er février 2008, qu'elle avait instituée légataire universelle le 24 novembre 2003 sans égard pour les autres membres de sa famille.
Il convient en revanche de considérer que, au 30 avril 2009, les troubles cognitifs de Jacqueline J. étaient déjà très avancés et apparents, aux termes mêmes de la requête aux fins de tutelle de Mme R. T., de sorte qu'elle doit être présumée avoir été dans l'incapacité d'établir un nouveau testament et que, à défaut d'élément contraire, le second testament contesté encourt l'annulation, même si en définitive il n'est qu'un complément superflu du précédent.
Les autres éléments dont fait état l'appelant sont constitués de trois attestations de membres de la famille de la défunte qui révèlent le caractère épisodique des relations maintenues entre eux et que les premiers juges ont parfaitement analysés, en corrélation avec ceux communiqués par les intimés, pour en déduire qu'il n'était pas établi, bien au contraire, que les époux R. T. aient profité de la situation d'isolement de Jacqueline J. et aient abusé de sa faiblesse pour la conduire à rédiger les testaments en leur faveur.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer le jugement déféré uniquement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du testament du 30 avril 2009 et de faire droit à celle-ci.
- Cour d'appel de Nîmes, 1re chambre civile, 14 janvier 2021, RG n° 19/01819