Inscription à notre newsletter

Recevez toutes les informations importantes directement dans votre boite mail. Cliquez ici

Partager cette actualité
Le 24 février 2016

Sont regardées comme fondées en titre ou ayant une existence légale, les prises d'eau sur des cours d'eaux non domaniaux qui, soit ont fait l'objet d'une aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux.

Monsieur Jean-Louis S a acquis par adjudication en septembre 1995, auprès de la ville de Paris, une propriété dénommée le Moulin de la Godelle, ou Moulin de Monthuley en Normandie, située sur le territoire de la commune de Saint-Germain-sur-Avre.

Un cours d'eau, qui servait autrefois à l'exploitation meunière du moulin, borde celui-ci. Il contient divers ouvrages, dont des mécanismes de vannage et les ruines d'un barrage répartiteur, en amont du moulin, à la pointe de l'île Cogney, barrage qui servait à diriger les eaux de la rivière Avre; le canal d'amenée d'eau partant du barrage jusqu'à l'ancien moulin longe plusieurs parcelles, appartenant à des personnes différentes dont monsieur Michel M.

Monsieur S. a demandé sur requête au président du tribunal de grande instance d'Evreux la désignation d'un huissier de justice aux fins de constater l'état du barrage répartiteur. Le président du tribunal de grande instance a ordonné les 20 septembre et 06 décembre 2005, l'établissement d'un constat d'huissier sur le barrage répartiteur des eaux à la pointe de l'Île Cogney. Le 09 janvier 2006, un procès-verbal a été établi par l'huissier de justice, Le R.

En août 2006, M. S a assigné M. M pour voir reconnaître sa propriété sur le barrage de prise d'eau et le canal d'amenée au moulin de la Godelle, se voir reconnaître un droit de passage dit "servitude de franc bord" sur les berges du canal et obtenir la condamnation de M. M. à la réfection du barrage de prise d'eau qu'il aurait dégradé.

Le litige est arrivé en appel.

Sont regardées comme fondées en titre ou ayant une existence légale, les prises d'eau sur des cours d'eaux non domaniaux qui, soit ont fait l'objet d'une aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux ; une prise d'eau est présumée établie en vertu d'un acte antérieur à l'abolition des droits féodaux dès lors qu'est prouvée son existence matérielle avant cette date. Aucune loi n'a depuis remis en cause ce régime privilégié, les titulaires des prises fondées en titre ne sont pas tenus de formuler de demande de renouvellement d'autorisation. La preuve de l'existence de ces droits fondés en titre peut être rapportée par tout moyen notamment par sa localisation sur la carte de Cassini datant du 18e siècle.

De l'application de l'art. 546 du Code civil, il résulte que le propriétaire d'un moulin ou d'une usine hydraulique est présumé, jusqu'à preuve contraire, propriétaire par accession du canal qui y amène l'eau et de celui qui l'en évacue, ainsi que du franc-bord c'est-à-dire les bandes de terrain plus ou moins larges, situées sur les deux rives des canaux qui sont nécessaires pour en assurer la surveillance, le curage, l'entretien. Toutefois, il s'agit d'une présomption simple qui peut être combattue par la preuve contraire tirée d'un titre ou d'une prescription et cette présomption ne s'applique que si l'ouvrage est d'origine artificielle, s'il a été créé ou aménagé dès l'origine à l'usage exclusif d'un moulin. En l'espèce, le barrage n'a pas été construit à l'usage exclusif du moulin, mais, comme le canal, il desservait plusieurs constructions et non seulement le moulin, il a été utilisé pour l'irrigation et non uniquement pour faire fonctionner le moulin. Par conséquent, le requérant est justement débouté de sa demande en revendication de la propriété accessoire du canal et du barrage répartiteur, de ses demandes de servitudes, les conditions d'application de l'art. 546 n'étant pas réunies, d'autant que la présomption établie par cet article cède lorsque le moulin est comme en l'espèce désaffecté et transformé en maison d'habitation et que son propriétaire a perdu son droit fondé en titre. Il devait en conséquence être également débouté de sa demande de condamnation de son voisin à effectuer des travaux sur le barrage.

Référence: 

- Cour d'appel de Rouen, Chambre de proximité, 28 mai 2015, RG N° 13/04190