Par acte sous signature privée du 24 janvier 1986, M.V. a donné à bail à Mme Brigitte L. un appartement dépendant d'un immeuble sis [...].
Le loyer annuel actuel est de 14.860 EUR.
Mme L. a épousé M. L. le 31 mai 1997.
Par acte d'huissier de justice du 17 juillet 2015, M. V. a signifié à Mme L. un congé pour vendre pour le 31 janvier 2016, moyennant le prix de 660 000 EUR.
Par courrier du 11 janvier 2016, M. et Mme L. ont fait connaître à leur bailleur qu'ils n'entendaient pas quitter les lieux.
Par acte d'huissier de justice du 2 février 2016, M. V. a fait assigner ses locataires devant le Tribunal d'instance du 11ème arrondissement de Paris en validation du congé pour vendre, expulsion, et paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle.
Le litige a été porté devant la cour d'appel.
La règle de la double notification (à chaque époux) des actes, lorsque le bien pris à bail est occupé par des époux, suppose, en vertu de ce texte, que le bailleur soit au courant de la situation matrimoniale du signataire du bail. Si le locataire était célibataire au moment de la conclusion du contrat et qu'il s'est marié après, le bailleur doit en être informé. À défaut, il n'a pas à respecter le principe des doubles notifications et le congé ou autre acte notifié au locataire en titre sera de plein droit opposable au conjoint.
En outre, L'expression "portée à la connaissance du bailleur" implique qu'il y ait une démarche positive du locataire en direction du bailleur. Il s'en déduit que la simple connaissance de la part du bailleur, par quelque moyen que ce soit, de la situation matrimoniale de son locataire ne suffit pas et qu'il y a lieu d'exiger une information par le locataire. L'article 9-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 fait ainsi peser sur le locataire une obligation d'information de son lien matrimonial impliquant une démarche positive de sa part envers son bailleur. La preuve que cette information a bien été donnée incombe au preneur.
Ni le règlement du loyer par le conjoint sur un compte bancaire ouvert à son seul nom, ni l'envoi par madame d'un courrier électronique, à l'administrateur de biens en accolant à son propre nom celui de son époux, ni même le libellé de l'adresse émail de la femme intégrant le nom de son mari, ne permettent de caractériser de la part de la locataire une démarche positive visant à informer son bailleur de sa situation matrimoniale.
Il y a lieu, par surcroît, de relever que les avis d'échéance et les quittances de loyers sont toujours demeurés au seul nom de la femme et que le libellé, au conditionnel, du congé litigieux - " et pour le cas où l'intéressée serait mariée " l'huissier de justice ayant ajouté la mention manuscrite suivante " le voisin me déclare qu'il n'y a pas de Monsieur, raison pour laquelle je me ressaisis de la copie" - démontre que le bailleur ignorait la situation matrimoniale de la locataire qui s’est mariée après la date de conclusion du bail. Dès lors, le congé pour vendre signifié à la seule locataire est opposable à son conjoint.
- Cour d'appel de Paris, Pôle 4, chambre 3, 6 septembre 2019, RG n° 17/22002