Par contrat de délégation de service public du 31 août 2011 la République de Guinée agissant en qualité de « maître d'ouvrage » a confié à la société Ikos appelée « attributaire » la réalisation pendant une durée de sept ans, de services d'ingénierie, de fournitures diverses, et de prestations de conception, de construction d'ouvrages, et d'exploitation d'une centrale de stockage en vue de traiter les déchets ménagers de la ville de la Conakry.
Par contrat du 13 octobre 2011 intitulé « convention de sous-traitance externe conditions particulières » la société Ikos a sous-traité à la société Egis Structures et Environnement (la société Egis) un ensemble de prestations qui, concernant les missions de conception, d'assistance, et de supervision des travaux, étaient comprises dans la mission de l'attributaire du marché de délégation de service public du 31 août 2011.
Invoquant un manquement de la République de Guinée à ses engagements contractuels, et plus spécialement le défaut de paiement de l'avance de fonds et de mise en place de mesures nécessaires au démarrage du projet, la société Ikos a résilié le 14 mai 2012 la convention du 31 août 2011.
Faisant état du préjudice résultant pour elle de cette résiliation, la société Egis, par acte du 27 août 2012, a assigné devant le Tribunal de commerce de Dieppe la société Ikos en demandant principalement l'annulation du contrat de sous-traitance pour non-respect des dispositions d'ordre public de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, et relatives à la mise en place par l'entrepreneur principal d'un cautionnement au profit du sous-traitant.
La sous-traitance consiste pour une entreprise, à confier à une autre une partie des services ou travaux qu'elle s'est engagée à faire vis-à-vis d'un client. Une entreprise qui fournit une prestation de services peut être considérée comme sous-traitante à deux conditions : l'autonomie de son intervention, le sous-traitant intervenant de façon indépendante pour réaliser les prestations qui lui sont confiées ; et sa participation directe à l'opération principale confiée à l'entrepreneur principal par le maître de l'ouvrage.
Concernant la première condition, le sous-traitant est libre de s'organiser comme il le souhaite pour atteindre le résultat que, par son contrat, il s'est engagé, à fournir, la notion de sous-traitance étant au contraire exclue en cas de subordination du personnel de son entreprise ; concernant la seconde condition, le sous-traitant est celui qui participe directement à l'apport de conception, d'industrie, ou de matière, aux prestations, objet du contrat principal et ce en particulier dans l'hypothèse d'une activité portant sur un domaine très spécialisé ; ainsi par exemple, une convention de mise à disposition de matériels n'est pas un contrat de sous-traitance.
En raison du caractère d'ordre public de l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975, l'absence de prévision d'une garantie de paiement des sommes dues au sous-traitant entraîne la nullité du contrat.
L'application de l'art. 14 de la loi du 31 décembre 1975 n'est pas pour autant exclue en présence d'un contrat principal de droit public non soumis au droit interne français et d'un contrat de sous-traitance soumis quant à lui à ce droit interne. Il s'agit là du cas précis d'un contrat de sous-traitance soumis au droit interne français, pour réaliser des prestations commandées par un maître de l'ouvrage qui n'y est pas soumis, celui-ci n'étant pas lié par les dispositions d'une loi française fût-elle impérative. En ce cas les dispositions d'ordre public s'appliquent aux parties françaises, co-contractante du marché de sous-traitance, ce qui oblige l'entrepreneur principal à fournir la caution, prévue par la loi du 31 décembre 1975, à son sous-traitant.
- Cour d'appel de Rouen, Chambre civile et commerciale, 17 mars 2016, RG N° 15/03298