Monsieur et madame G soutiennent que les fissures qui affectent les façades de leur maison ont un caractère décennal, dès lors que l'expert judiciaire a observé que leur maison construite sur un terrain argileux sensible aux variations hydriques, n'était pas stabilisée et que deux solutions techniques devaient être envisagées pour remédier à cette situation : une solution par géomembrane ou une solution par micropieux.
S'il est exact que la maison en cause n'est pas stabilisée du fait de la nature argileuse du sol d'assise, cette situation n'a pas pour autant entraîné de désordre de nature décennale dans le délai de 10 ans qui a suivi la réception des travaux de gros-oeuvre. En effet, les fissures constatées par l'expert au-delà du délai de 10 ans ne sont pas infiltrantes et ne rendent pas l'immeuble impropre à sa destination. L'expert a considéré que la maison était habitable et était habitée car les fissures extérieures n'étaient pas infiltrantes et n'avaient provoqué que des désordres mineurs sur quelques cloisons (petites fissures sur joints de plaques de plâtre avec décollement d'enduit) et un léger affaissement du dallage, que le préjudice d'usage était inexistant, qu'en revanche, les fissures extérieures créaient un préjudice esthétique et surtout une moins-value de l'immeuble en cas de vente qui pourrait être estimée de 10 à 15 pour cent du prix de vente. Par conséquent, le dommage n'est pas de nature décennale.
La responsabilité contractuelle de droit commun des locateurs d'ouvrage ne peut être engagée, dans le délai de 10 ans qui suit la réception des travaux que sur la base d'une faute prouvée et pour des dommages intermédiaires qui par leur nature sont de moindre gravité qu'un dommage décennal. Des désordres de nature esthétique correspondent à des dommages intermédiaires relevant de la responsabilité contractuelle de droit commun.
La faute de l'architecte qui a omis d'adapter son projet à la nature du sol, en ne faisant pas réaliser une étude de sol, est évidente et il ne saurait s'en exonérer au motif que les plans d'exécution des ouvrages étaient à la charge de l'entrepreneur chargé du gros-oeuvre. L'architecte était investi d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète qui lui faisait obligation de connaître la nature du sol avant de concevoir un bâtiment à usage d'habitation. La qualité des fondations réalisées par l'entrepreneur n'est pas en cause mais leur adéquation à la nature du sol, l'est. S'il incombait à l'architecte d'imposer aux maîtres de l'ouvrage une étude géotechnique, l'entrepreneur chargé des terrassements et du gros-oeuvre ne pouvait se désintéresser de la nature du sol dont les caractéristiques ne lui avaient pas été communiquées.
L'architecte et l'entrepreneur ont donc chacun commis une faute qui engage leur responsabilité in solidum à l'égard des maîtres de l'ouvrage, évaluée à 80 pour cent pour l'architecte et à 20 pour cent pour l'entrepreneur.
- Cour d'appel de Nîmes, Chambre civile 1, section B, 22 Octobre 2015, RG N° 14/00297