En 2006, l’ancienne concubine du requérant donna naissance à un enfant qui, selon toute vraisemblance, était le fils du requérant.
En 2010, elle entama une relation avec un autre homme, qu’elle épousa par la suite. En 2013, le requérant fit une déclaration devant notaire pour reconnaître l’enfant, ce à quoi s’opposa la mère. Au même moment, le mari cette dernière fit une déclaration similaire et fut inscrit comme le père de l’enfant sur l’acte de naissance. Les recours du requérant tendant à contester cette filiation n’aboutirent pas. Devant la Cour européenne des droits de l’homme, il soutient que l’impossibilité pour le père biologique d’un enfant de contester une reconnaissance de paternité effectué par un autre homme constitue une violation de droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l’article 8 de la Convention.
La Cour reconnaît d’emblée que le requérant n’avait pas la possibilité de faire suspendre la procédure d’enregistrement de la reconnaissance effectuée par l’époux de la mère : d’une part, il n’avait pas été informé de la démarche du mari ; d’autre part, le droit bulgare ne prévoit pas de mécanisme propre à empêcher une reconnaissance d’être inscrite sur l’acte de naissance au motif que l’auteur d’une précédente reconnaissance a introduit une action en établissement de paternité. En outre, la Cour constate l’insuffisance des motifs évoqués par les juridictions internes pour refuser d’examiner la demande en recherche de paternité du requérant. Si celles-ci ont estimé qu’une telle reconnaissance serait contraire à l’intérêt de l’enfant en ce qu’elle risquait de perturber son équilibre familial et affectif, elles n’ont pas véritablement cherché à examiner la relation existante entre le requérant et l’enfant et l’importance de cette relation pour les deux intéressés. De même, l’argument des autorités bulgares tenant au manque de diligence du requérant, qui avait attendu sept ans pour reconnaître sa paternité, ne convainc pas la Cour dès lors que le droit interne n’enferme la possibilité de reconnaître un enfant dans aucun délai. La Cour relève en outre certains dysfonctionnements dans le processus décisionnel, en particulier le fait que le requérant n’a pas pu prendre part à la procédure devant la direction de l’aide sociale, dont la décision de refus lui a été communiquée par simple courrier, et non par une décision motivée susceptible d’un recours juridictionnel.
Pour toutes ces raisons, la Cour estime que le droit du requérant au respect de sa vie privée a été méconnu. Elle conclut donc à la violation de l’article 8 de la Convention.
- Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), 4e section, 13 Octobre 2020 - n° 32495/15