Inscription à notre newsletter

Recevez toutes les informations importantes directement dans votre boite mail. Cliquez ici

Partager cette actualité
Le 17 mars 2016

Cet arrêt dont les motifs sont entièrement rapportés ici illustre bien les relations exacerbées entre proches voisins (la mise en caractère gras est de nous):

Sur les troubles anormaux du voisinage

Attendu que Monsieur François DE LA V. et Madame Lidia R. épouse DE LA V. soutiennent que Madame Marie-Claire M. épouse M. stationne délibérément ses véhicules dans la rue alors qu'elle dispose de place de parking devant son domicile et à plus d'un mètre du trottoir pour gêner leur manoeuvre d'accès ; qu'ils précisent que Monsieur François DE LA V. est invalide à 85 % en raison d'une amputation au bras et conduit un véhicule adapté ; qu'ils contestent que le mari de Madame Marie-Claire M. épouse M. se déplace en fauteuil roulant et relèvent qu'il est incohérent de soutenir que la raison d'être de ce choix serait l'éventuel handicap de son mari dans la mesure où les déplacements de celui-ci auraient été facilités par un stationnement dans sa propriété ; qu'ils contestent encore les accusations portées par Madame Marie-Claire M. épouse M. et ses témoins, les qualifiant de mensongères ; qu'ils maintiennent que leur voisine déplace ses poubelles et encombrants pour les incommoder, précisément après le passage des éboueurs, tout en leur adressant un geste ; qu'ils rappellent que les poubelles doivent être sorties après 20 heures et que les clichés ont été pris à 11h00 et qu'ils ont dû installer une clôture afin d'éviter d'être épiés par elle ; que les époux DE LA V. indiquent que Madame Marie-Claire M. épouse M. leur adresse des propos orduriers et des gestes obscènes et a dirigé sa lance de karcher sur le visage de Madame Lidia R. épouse DE LA V., l'atteignant au niveau de l'oeil et brisant ses lunettes ;

Attendu que Madame Marie-Claire M. épouse M. fait valoir n'avoir jamais rencontré de problèmes de voisinage avant l'emménagement des époux DE LA V. et rappelle que la médiation a été interrompue du fait du comportement de Madame Lidia R. épouse DE LA V. ; qu'elle estime que les clichés produits ne démontrent en rien la gêne occasionnée par le stationnement de ses véhicules et révèlent au contraire le large passage dont ils disposent pour accéder à leur propriété ; qu'elle affirme ne pas se garer sur les zébras et laisse un espace suffisant entre le véhicule et sa limite de propriété pour que la portière du passager puisse s'ouvrir, notamment eu égard à son mari qui se déplace en chaise roulante ; qu'elle réplique que les appelants sont au contraire à l'origine de gêne à son égard par le stationnement de leurs propres véhicules ; qu'elle indique que ses voisins photographient en permanence les voitures se garant devant chez eux, les personnes et les accuse de l'épier, leur retournant les reproches de troubles anormaux de voisinage ; qu'elle soutient que les époux DE LA V. ont aisément pu déplacer ses poubelles avant de prendre les photos produites et conteste les avoir laissées de manière prolongée sur la chaussée ; qu'elle conteste les provocations verbales et gestuelles et relate des agressions par les appelants des mois de juin 2006 et mai 2010 qui l'ont menacée de la frapper, notamment avec une truelle et qui lui ont lancé des morceaux de pavé ainsi que la dépose de fumier en limite de propriété et à proximité de sa piscine d'où s'échappaient des rats ; qu'elle conteste en outre la valeur probante des pièces produites relatives au changement de lunettes de Madame Lidia R. épouse DE LA V., relevant diverses incohérences ainsi que de l'attestation de Madame C., affirmant n'avoir pas été chez elle le jour où cette dernière indique l'avoir entendue insulter Madame Lidia R. épouse DE LA V. ;

Attendu qu'en application de l'article 651 du code civil, nul ne doit causer à autrui aucun trouble anormal de voisinage ;

Que le droit pour un propriétaire de jouir de son bien de la manière la plus absolue, sur le fondement de l'article 544 du code civil, est limité par l'obligation qu'il a de ne causer à ses voisins aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage, le trouble anormal du voisinage devant être apprécié in concreto en fonction de l'environnement dans lequel il se produit, de son intensité et de sa durée ;

Attendu en outre qu'il importe peu que le comportement dénoncé constitue une infraction aux règlements, le respect des dispositions légales n'excluant pas l'existence éventuelle de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage ;

Qu'il appartient en revanche à ceux qui s'en prévalent de démontrer l'existence des troubles évoqués en application de l'article 9 du code de procédure civile ;

Qu'en l'espèce, il ressort des photographies versées aux débats que l'accès à la propriété de Monsieur François DE LA V. et Madame Lidia R. épouse DE LA V. se fait par un espace particulièrement large, permettant l'accès d'un camion et donnant partiellement sur des zébras contigus à la propriété de Madame Marie-Claire M. épouse M. ; que la facilité d'accès est donc liée au dégagement permis par les zébras qui interdisent tout stationnement sur leur surface ;

Que sur l'ensemble des photographies produites par les époux DE LA V., une seule montre le véhicule de Madame Marie-Claire M. épouse M. partiellement stationné sur cette surface, sur une longueur qui peut être raisonnablement estimée à 30 centimètres ; que cet unique épisode, au demeurant particulièrement peu éloquent, ne saurait caractériser un trouble anormal du voisinage qui suppose notamment - au regard du trouble allégué en l'espèce - un comportement répétitif et non un acte isolé susceptible de ne causer qu'une gêne mineure ;

Que s'agissant du décalage du véhicule par rapport à la limite de propriété, force est de constater qu'il n'est pas excessif et permet l'ouverture des portières ; qu'il convient à cet égard d'observer, les clichés produits montrant une entrée à la propriété de Monsieur François DE LA V. et Madame Lidia R. épouse DE LA V. en cours de travaux, qu'il eût été probablement plus judicieux, au vu du seul bon sens, d'installer le portillon pour les piétons du côté de la propriété voisine et le portail pour les véhicules de celui de la voie publique, ce qui aurait très probablement permis d'éviter toute possibilité de gêne ;

Qu'en ce qui concerne les poubelles, aisément déplaçables, les photographies produites ne sont pas probantes et ne démontrent aucunement une quelconque gêne causée pour l'accès à la propriété des appelants ;

Que les différentes plaintes déposées aux services de gendarmerie ne sauraient plus caractériser les provocations verbales ou gestuelles dans la mesure où elles ne font que rapporter les propos de Monsieur François DE LA V. sans être corroborées par tout autre élément ; qu'aucune explication n'est d'ailleurs fournie quant aux suites réservées aux différentes plaintes ;

Que l'attestation de Monsieur Bernard C., qui fait état de ce que Madame Marie-Claire M. épouse M. aurait observé ses voisins de manière insistante à plusieurs reprises est très largement contrebalancée par la multiplicité des photographies prises par les époux DE LA V. qui témoignent d'un acharnement tout particulier à relever les faits et gestes de leurs voisins ;

Qu'enfin, les certificats médicaux et facture relatifs aux lunettes de Madame Lidia R. épouse DE LA V. ne démontrent en rien l'imputabilité du jet de karcher (au demeurant pas plus démontré) à Madame Marie-Claire M. épouse M. ; que l'écart entre la date de consultation chez l'ophtalmologue (22 mai 2010) et la facture de l'opticien (18 septembre 2010, soit quatre mois plus tard) ne saurait corroborer l'allégation de bris de lunettes ;

Qu'en définitive, Monsieur François DE LA V. et Madame Lidia R. épouse DE LA V. se révèlent défaillants dans l'administration de la preuve qui leur incombe à démontrer l'existence de troubles anormaux du voisinage reprochés à Madame Marie-Claire M. épouse M. ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts ;

Référence: 

- Cour d'appel de Metz, Chambre 3, 10 mars 2016, N° 14/01658