Avec le souci de lutter contre la criminalité, le législateur a directement impliqué les notaires dans sa guerre contre le blanchiment de l'argent sale (L. n° 2004-130, 11 févr. 2004, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en vente aux enchères publiques : J.O. 12 févr. 2004, p. 2847).
Désormais, en vertu des articles L. 561-2 et L. 561-3 du Code monétaire et financier, les notaires doivent déclarer au service TRACFIN (service de traitement des renseignements et de l'action contre les circuits financiers clandestins ; www.economie.gouv.fr/tracfin) toute opération qui leur semble suspecte parce qu'elle pourrait porter sur des sommes pouvant provenir du trafic de stupéfiants, de la fraude aux intérêts financiers des communautés européennes, de la corruption, d'activités criminelles organisées, d'activités qui pourraient participer au financement du terrorisme, mais aussi dorénavant de la fraude fiscale (C. monét. fin., art. L. 561-3, L. 561-15 et D. 561-32-1).
Encore faut-il pour que le notaire soit dans ce cas libéré de son obligation au secret professionnel qu'il ait un véritable soupçon. En revanche, « lorsque l'intermédiaire a de simples doutes sur l'origine des fonds, sans pour autant soupçonner un trafic de stupéfiants ou une activité d'organisations criminelles, il n'est pas soumis à cette obligation de déclaration et il n'est donc pas exonéré de son secret professionnel ».
Il en résulte que le notaire ne doit investiguer sur l'origine des fonds de l'opération prévue que s'il a un soupçon (notion définie par TRACFIN). En conséquence le notaire n'a pas à demander systématiquement une attestation bancaire de provenance des fonds ; le faisant néanmoins il peut lui être reproché, indépendamment d'une éventuelle violation du secret professioonnel, de s'immiscer dans les affaires de son client.
Ce dernier grief peut aussi être fait à la banque qui délivrerait une telle attestation.
Le devoir de non ingérence interdit à la banque de s'immiscer dans les affaires de son clients, comme de procéder à des investigations notamment sur la nature et la cause des encaissements, sauf anomalie manifeste qu'il lui appartient de signaler à son client conformément au devoir de surveillance qui lui incombe (Cour d'appel, Rouen, Chambre civile et commerciale, 25 Mai 2022 – RG n° 21/01888).
Par ailleurs, un établissement bancaire est tenu à une obligation de non-ingérence dans les affaires de ses clients et n'a pas à effectuer de recherches, à réclamer de justifications pour s'assurer que les opérations qui lui sont demandées par un client sont régulières et qu'elles ne sont pas susceptibles de nuire à un tiers.
Il n'est soumis à une obligation de vigilance qu'en cas d'anomalie apparente révélatrice d'une irrégularité dans le fonctionnement du compte.
A noter que le soupçon seul ne suffit pas, en matière de fraude fiscale, à déclencher l’obligation de déclarer. La déclaration n’est à faire que si, après avoir réalisé les diligences permettant la détection des anomalies et leur analyse :
- l’assujetti soupçonne ou ne peut écarter le soupçon que les sommes ou les opérations en cause proviennent de la fraude fiscale,
- ET si un des 16 critères mentionnés à l’article D. 561-32-1, II du code monétaire et financier est présent.
--o--
Les professionnels déclarants sont tenus d'effectuer à TRACFIN une déclaration de soupçon dans les cas repris à l'article L 561-15 du code monétaire et financier.
Ils ont ainsi l’obligation de déclarer à Tracfin les sommes ou opérations dont ils « savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme ».
Ils ne peuvent se dégager des obligatons ainsi définies par la demande d'une attestation de pure forme délivrée par la banque du client, laquelle banque au surplus, en délivrant une telle attestation, le fait en violation du secret professionnel et en s'immisçant dans les opérations de son client.