Aux termes de l'art. L. 521-2 du Code de justice administrative : "Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures".
Contrairement à ce que soutient la commune en défense, la circonstance que soit demandée la suspension de l'exécution d'une décision de résiliation d'une convention de mise à disposition d'une salle communale ne fait pas obstacle à la saisine du juge des référés sur le fondement des dispositions précitées de l'art. L. 521-2 du Code de justice administrative, lequel peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale dans les conditions énoncées par cet article, dès lors que la décision contestée met en cause l'exercice effectif, par une commune, de la liberté de réunion, qui constitue une liberté fondamentale au sens de l'art. L. 521-2 du Code de justice administrative.
La liberté de réunion est une liberté fondamentale ; le caractère de liberté fondamentale s'attache également au droit pour un parti politique légalement constitué de tenir des réunions dans le cadre d'une campagne électorale ; un refus de mise à disposition d'une salle communale en vue d'y tenir une telle réunion ne peut légalement être opposé que pour des motifs tirés des exigences de l'ordre public ou des nécessités de l'administration des propriétés communales.
La commune de Clairvaux-les-Lacs soutient que la condition d'urgence, requise par les dispositions de l'art. L. 521-2 du Code de justice administrative n'est pas réunie, au motif que cette situation d'urgence serait imputable aux agissements de M. Silvestre, qui n'a pas indiqué lors de la location de la salle sa qualité de délégué départemental du Front National, ni la circonstance qu'il s'agissait d'une réunion tenue par Mme Le Pen, circonstances qui font craindre des risques de troubles à l'ordre public sur le territoire de la commune ; la décision contestée du 14 février 2017 a pour effet de s'opposer à une réunion organisée dans le cadre de la campagne pour l'élection présidentielle de Mme Le Pen, prévue et annoncée pour vendredi 17 février 2017 à 18 heures, compte tenu de l'absence de lieu de réunion alternatif ; la commune ne saurait utilement faire valoir que cette situation d'urgence serait imputable aux agissements de M. S, qui n'a mentionné dans sa demande de location ni sa qualité de délégué départemental du Front national, ni la présence de Mme Le Pen à cette réunion, dès lors qu'il ressort des termes de la décision contestée du 14 février que le maire aurait pris une décision de refus de location s'il avait été en possession de ces informations, à la date de la demande de réservation de la salle, le 1er février 2017 ; à la date à laquelle le juge des référés est appelé à statuer, la condition d'urgence est remplie, eu égard à la proximité de la date de cette réunion.
Si la lettre du 14 février 2017 du maire de Clairvaux-les-Lacs, adressée à M. S, mentionne qu'il aurait été plus honnête de sa part d'annoncer, lors de la réservation de la salle, ses véritables intentions, le vice du consentement, allégué en défense, ne constitue pas le motif de la résiliation du contrat de location, fondée sur les craintes de risques de troubles à l'ordre public, au visa de l'art. L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales ;
Si la commune, lors de l'audience, a invoqué une communication téléphonique avec les services de la préfecture du Jura, qui auraient estimé que cette réunion pouvait rassembler 800 à 1 000 sympathisants du Front national, ainsi que 200 à 500 opposants, elle n'établit ni la réalité ni la fiabilité de cette estimation ; si des rassemblements d'opposants au Front National sont effectivement prévus, notamment par le collectif citoyen contre le FHaine, aucune pièce versée au dossier ne permet de remettre en cause leur caractère de rassemblement pacifique ; les risques de débordements ne sont pas établis, à la date à laquelle le juge des référés rend la présente décision, par la production au dossier d'échanges sur internet, nonobstant le caractère injurieux de certains d'entre eux ; que le maire n'établit pas que le concours de forces de sécurité, d'un format adapté, lui aurait été refusé par le préfet du Jura ; qu'en outre l'interdiction des manifestations projetées, si elles sont de nature à troubler l'ordre public, peut être décidée sur le fondement des dispositions de l'article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure ; qu'au regard de l'ensemble de ces circonstances, les requérants sont fondés à soutenir que la décision du maire de Clairvaux-les-Lacs du 14 février 2017 porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de réunion, qui est une liberté fondamentale au sens de l'article L. 521-2 du Code de justice administrative ; il y a lieu de faire droit à la demande des requérants et de suspendre la décision du 14 février 2017 par laquelle le maire de Clairvaux-les-Lacs a annulé la réservation de la salle de fêtes communale en vue de la réunion publique du 17 février 2017 à 18 heures, d'enjoindre au maire de Clairvaux-les-Lacs de procéder à l'ouverture de cette salle pour permettre la tenue de la réunion publique, de remettre les clés à M. S et de procéder avec lui à l'état des lieux d'entrée au plus tard le 17 février à 14 heures.
- Tribunal administratif de Besançon, ord. réf., 16 févr. 2017, n° 1700272, Éric S