La société Domaine du Val de Seine a fait construire à Seine Port, près de Melun, un ensemble immobilier comprenant d'une part une résidence de tourisme destinée à être commercialisée par lots auprès de particuliers, d'autre part un "pôle séminaire" comportant des installations de restauration et de loisirs, ayant vocation à être vendu en bloc à un investisseur institutionnel.
La vente des lots à des particuliers était soumise à la TVA et les acquéreurs pouvaient en obtenir le remboursement s'ils louaient leur lot en meublé à certaines conditions.
Avant même leur vente, les lots ont été donnés en location par la société Domaine du Val de Seine à la société Cap Sensoria, par ailleurs locataire du pôle séminaire et exploitant du complexe hôtelier.
Par acte notarié en date du 20 juillet 2010, faisant suite à un acte sous seing privé du 27 mai 2010, la société Domaine du Val de Seine a vendu à M. V le lot n° 43, constitué d'un appartement de 43,80 m2, pour un prix de 203 896,47 euro TTC, outre 7 893,60 euro pour le mobilier équipant l'appartement, soit au total 211 791 euro TTC, entièrement financé au moyen d'un emprunt.
L'acte de vente stipulait que l'acquéreur était subrogé au vendeur dans tous les droits de celui-ci résultant du bail commercial en date du 29 septembre 2009 consenti à la société Cap Sensoria, d'une durée de onze années, le loyer étant de 9 232 euro HT par an, payable par trimestre civil échu.
La société Cap Sensoria n'a payé aucun loyer à M. V. Elle a été placée en redressement judiciaire le 29 novembre 2010, puis en liquidation judiciaire le 28 mars 2011.
Dans le cadre de la commercialisation de lots constituant la résidence de tourisme, le vendeur n'a pas informé l'acquéreur des difficultés financières du locataire exploitant cette résidence, alors pourtant qu'il était parfaitement au fait de l'existence d'impayés et du risque de résiliation du bail suite à la délivrance d'un commandement de payer demeuré infructueux.
Ces éléments étaient assurément déterminants pour l'acquéreur. En effet, d'une part les avantages fiscaux attachés à l'opération étaient subordonnés à la location des lots acquis en qualité de loueur de meublé non professionnel. Par ailleurs, les échéances d'emprunt devaient être payées au moyen des loyers perçus. L'existence du bail, le montant des loyers et la solvabilité du locataire étaient donc essentiels, comme le soulignait au demeurant le compromis. Il importe peu que l'acquéreur ait souscrit une assurance couvrant le risque d'impayés de loyer, cette garantie n'étant susceptible que de prendre en charge les loyers futurs et non le risque déjà consommé au moment de la vente. Il importe peu également que l'acquéreur ait pu relouer le bien à un autre locataire, cette location étant intervenue un an après la vente, et qui plus est à un montant inférieur de 20 pour cent ce qui a remis en cause l'équilibre financier de l'opération dans son ensemble.
La clause excluant la responsabilité du vendeur du fait du preneur ne dispensait pas le vendeur de contracter de bonne foi. Le dol par réticence est donc caractérisé et il convient d'annuler la vente. Il convient donc de condamner le vendeur à la restitution du prix de vente acquitté outre les frais de vente sans toutefois que la rétrocession de propriété puisse être subordonnée au remboursement effectif, le transfert de propriété étant la conséquence nécessaire et directe de l'annulation de la vente.
Dans la mesure où l'acquéreur demande l'annulation de la vente, il ne peut prétendre aux sommes qu'il aurait perçues si la vente avait produit effet, dont notamment les avantages fiscaux escomptés. En revanche, le préjudice financier lié à l'immobilisation de la somme de 211 790 euros correspondant au prix de vente doit être indemnisée à hauteur des intérêts que cette somme aurait produit selon le taux d'intérêt du livret A, soit 3 971 euro. Le fait d'avoir été trompé a également nécessairement généré un préjudice moral justifiant l'allocation d'une somme de 5 000 euro.
- Cour d'appel de Colmar, Chambre civile 2, section A, 9 février 2017, RG N° 15/04038