La SCI QUANTIS est propriétaire d’un immeuble situé à L’Union.
Elle loue le bâtiment à la société GRAND THORNTON, cabinet d’expertise comptable.
La SCI QUANTIS a confié à la société R CONDITIONING, assurée au titre de sa responsabilité décennale auprès de GROUPAMA D’OC, la pose d’un système de chauffage climatisation, fabriqué par la société TRANE, suivant devis en date du 18 janvier 2011.
La société R CONDITIONING a facturé ses travaux le 28 avril 2011 date à laquelle ils ont été réceptionnés sans réserve.
Un contrat de maintenance a par ailleurs été signé entre la SCI QUANTIS et la société R CONDITIONING le 28 avril 2011.
Suite à une défaillance d’un compresseur en novembre 2011, le circuit frigorifique n°2 a été remplacé et remis en fonctionnement le 4 janvier 2012.
La SCI QUANTIS a constaté de nouveaux dysfonctionnements en avril 2013.
Par ordonnance du 15 novembre 2013, le juge des référés, saisi le 5 novembre 2013 par la SCI QUANTIS et la société GRAND THORNTON après échec des démarches amiables, a désigné M. Y pour rechercher la cause des désordres et les moyens d’y remédier.
L’expert a déposé son rapport le 25 février 2014.
Par arrêt en date du 24 octobre 2014, la cour d’appel de Toulouse, confirmant l’ordonnance de référé rendue le 18 avril 2014 sauf à dire que les paiements devaient avoir lieu hors taxe, a condamné solidairement la société TRANE et GROUPAMA D’OC ès qualités d’assureur de la société R CONDITIONING en liquidation judiciaire, à payer à la SCI QUANTIS la somme de 19.968,96 EUR HT au titre des travaux de reprise et la somme de 676,22 EUR HT au titre du remboursement des factures d’achat de radiateurs d’appoint.
GROUPAMA a réglé le 11 juin 2014 l’intégralité des condamnations, à hauteur d’une somme globale de 29.178,19 EUR, qui lui a été remboursée à concurrence de 4.129,03 € par la SCI QUANTIS après l’arrêt de la cour.
Par actes d’huissier du 23 octobre 2015, la société GROUPAMA D’OC a fait assigner la société TRANE devant le tribunal de grande instance de Toulouse, pour obtenir remboursement de la somme versée à la SCI QUANTIS.
Par jugement contradictoire en date du 19 février 2018, le Tribunal de grande instance de Toulouse a dit que la société TRANE doit payer à la société GROUPAMA D’OC certaines sommes et intérêts.
Sur le vice caché
Selon les analyses de l’expert, les désordres affectant l’installation proviennent d’un échangeur percé et qui a eu pour conséquence une fuite d’eau du circuit de chauffage dans le circuit frigorigène n°1 et qui a endommagé le compresseur et les organes mécaniques.
M. Y A dés lors trois hypothèses pour expliquer cette avarie:
* Gel du circuit d’eau qui aurait endommagé l’évaporateur. C’est la cause que souhaiterait voir retenue la société TRANE qui soutient que c’est la société R CONDITIONING chargée de l’entretien qui n’aurait pas suivi ses recommandations concernant l’utilisation de liquide hors gel.
Toutefois l’expert juge improbable que ce soit le cas: "Pour qu’un tel phénomène se produise, il faudrait que la pompe à chaleur soit hors service pendant une période de gel significative. Nous ne connaissons pas la date exacte des incidents, mais le premier a eu lieu en novembre soit au début de l’hiver et le second en mai, dates peu compatibles avec un dégât lié au gel".
* Défaut de fabrication: 'Un tel phénomène ne peut être exclu', indique l’expert.
* Une réparation insuffisante, lors de la première panne survenue en novembre 2011: Cette pompe à chaleur dispose de deux circuits frigorigènes distincts avec leur condenseur, leur compresseur et leurs vannes, mais évaporateur commun. Lorsque la première panne s’est produite, c’est au niveau de l’évaporateur que la perforation s’est produite et que l’eau est entrée dans les circuits frigorigènes. Selon la société TRANE seul le circuit n°2 s’est trouvé hors service et ses organes ont été remplacés.' et l’expert de poser une question: Sans qu’ils aient été endommagés au point d’être mis hors service, le fabricant peut il garantir que les organes du circuit n°1 n’ont pas été altérés lors de ce désordre. La réparation qui a été réalisée n’a telle pas été insuffisante par rapport à ce qui aurait dû être.
L’expert qui estime que c’est cette dernière hypothèse qui est la plus plausible, indique que la société TRANE a été invitée à apporter des précisions complémentaires par rapport à ces observations, mais ne l’a pas fait. Il en conclut par conséquent qu’il existe bien un lien entre la panne survenue en novembre 2011 et celle survenue en avril 2013 et M. Y écrit en page 11: "les deux incidents techniques survenus sur cette machine, relèvent de sa fabrication".
La cour toutefois au regard de ces conclusions, ne peut qu’en souligner l’imprécision et l’absence de toute démonstration utile.
S’agissant du défaut de fabrication, l’expert "ne l’exclut pas", mais ne donne aucune indication technique au sujet de la nature du défaut ou de l’organe (organes mécaniques du circuit, compresseur, condenseur) qui pourrait en être affecté.
Par ailleurs au sujet de la réparation de la première panne, au lieu d’essayer de déterminer si sa nature et sa réalisation pouvaient être considérées comme satisfaisantes, l’expert se contente de demander à la société TRANE si elle pouvait "garantir que les organes du circuit n°1 n’ont pas été altérés lors de ce désordre" ce qui revient à demander de rapporter plus de deux ans après sa survenance, la preuve d’un fait négatif hypothétique.
Enfin après, comme rappelé plus haut, avoir A la possibilité "non exclue" – donc subsidiaire – d’un défaut de fabrication, l’expert par un raccourci contestable, après avoir posé l’hypothèse du caractère insuffisant de la première réparation, finit par conclure que les deux incidents techniques relèvent de la fabrication de l’installation, reliant ainsi sans aucune précision technique ni démonstration les hypothèses 2 et 3 et sans expliquer en quoi un défaut de réparation peut être constitutif d’un vice caché tenant à la fabrication.
Dans ces conditions c’est à juste titre que la société TRANE soutient que la preuve n’est pas rapportée qu’il existe une identité de cause dans les pannes survenues en novembre 2011 et plus d’un an et demi après en avril 2013. La première panne en effet est intervenue six mois après l’installation de la pompe à chaleur fin avril 2011 et au début du premier hiver. Si comme l’expert le subodore, la réparation effectuée alors par la société TRANE sur le circuit n°2 n’avait été que partielle pour ne pas prendre en compte les possibles répercutions de la panne sur le circuit n°1, on comprend mal que celui-ci ait malgré tout continué à fonctionner au cours de l’hiver 2011, mais également des hivers 2012 et 2013. Faute d’une démonstration incontestable du lien qui aurait existé entre ces deux pannes, la conclusion qu’en tire l’expert d’un vicecaché résultant de la fabrication ne peut être retenue et partant le jugement ayant condamné la société TRANE sur le fondement de l’art. 1641 du Code civil doit être infirmé.
- Cour d'appel de Toulouse, 1ere chambre section 1, 9 mars 2020, RG n° 18/01623