Le droit à la preuve ne peut justifier la production d'éléments portant atteinte à la vie privée qu'à la condition que cette production soit indispensable à l'exercice de ce droit et que l'atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
L'arrêt de la Cour de cassation a été rendu au visa de l'art. 9 du Code civil, ensemble les art 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 9 du code de procédure civile.
Monsieur X a été victime, le 23 septembre 2001, d'un accident corporel, la charpente surplombant le puits qu'il réparait au domicile de Madame Y s'étant effondrée sur lui ; il a invoqué, au cours des opérations d'expertise judiciaire diligentées à sa demande, des troubles de la locomotion ; que, contestant la réalité de ces troubles, Mme Y et son assureur, la société Mutuelles du Mans assurances, ont, à l'occasion de l'instance en indemnisation du préjudice en résultant, produit quatre rapports d'enquête privée.
Pour rejeter la demande tendant à voir écarter des débats ces rapports, après avoir considéré comme irrecevables ou non probants certains des éléments d'information recueillis par l'enquêteur auprès de tiers, l'arrêt d'appel relève que chacune des quatre enquêtes privées a été de courte durée et que les opérations de surveillance et de filature n'ont pas, au total, dépassé quelques jours, de sorte qu'il ne saurait en résulter une atteinte disproportionnée au respect dû à la vie privée de M. X.
En statuant ainsi, tout en relevant que les investigations, qui s'étaient déroulées sur plusieurs années, avaient eu une durée allant de quelques jours à près de deux mois et avaient consisté en des vérifications administratives, un recueil d'informations auprès de nombreux tiers, ainsi qu'en la mise en place d'opérations de filature et de surveillance à proximité du domicile de l'intéressé et lors de ses déplacements, ce dont il résultait que, par leur durée et leur ampleur, les enquêtes litigieuses, considérées dans leur ensemble, portaient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de M. X la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés.
- Cour de cassation, chambre civile 1, 25 févr. 2016, N° de pourvoi: 15-12.403 , cassation partielle, publié au Bull.