Il est de principe que l'exercice même légitime du droit de propriété devient générateur de responsabilité lorsque le trouble qui en résulte à autrui dépasse la mesure des obligations ordinaires du voisinage. La responsabilité du propriétaire, qui a accompli des actes ayant causé des troubles aux voisins, est engagée même si les normes réglementaires sont respectées.
Monsieur et madame E indiquent subir "d'importantes nuisances sonores" ; ils expliquent que "tous les bruits de la vie courante tels que pas, chaises, chocs, déplacement et autres, provenant de l'appartement de M. S, leur voisin et propriétaire bailleur, ont été grandement amplifiés" depuis que la moquette sur le sol de l'appartement appartenant à M. S. a été remplacée par du parquet au cours du 4ème trimestre de l'année 2010. Ils précisent que leurs troubles sont dus à la dégradation de l'isolation acoustique. Pour étayer leurs affirmations, les époux E produisent le rapport d'expertise amiable établi par le cabinet B., mandaté par leur assureur.
Dès lors que la dégradation de l'isolation acoustique aux bruits (de chocs ou de la vie courante) de 32 dB(A) dans l'appartement des époux E copropriétaires en provenance de celui appartenant du copropriétaire bailleur est très importante, pour se rapprocher de la limite maximum autorisée réglementairement, il y a lieu de retenir que cette circonstance constitue un trouble qui excède les inconvénients normaux du voisinage, en ce que les bruits de la vie courante sont très fortement amplifiés par rapport à la situation antérieure, en raison de l'installation d'un un parquet, qui ne répond pas aux caractéristiques techniques de la moquette, conformément aux dispositions du règlement de copropriété. Ce trouble anormal du voisinage entraîne la responsabilité de plein droit du copropriétaire bailleur.
Le règlement de copropriété peut contenir des clauses relatives à l'usage des parties privatives dans la mesure où ces clauses ont pour objet d'assurer le respect de la destination de l'immeuble ou d'assurer la défense des intérêts collectifs des copropriétaires. C'est donc à bon droit que le copropriétaire conteste la validité de la clause du règlement de copropriété qui indique que "le revêtement du sol des parties privatives ne pourra être changé qu'après autorisation du syndic". En effet, l'obligation de demander l'autorisation préalable au syndic afin de pouvoir réaliser les travaux constitue une restriction aux droits des copropriétaires n'est pas justifiée par la destination de l'immeuble.
S'agissant de l'obligation d'installation d'un revêtement de sol garantissant a minima les mêmes qualités acoustiques que celui d'origine, il y a lieu de retenir qu'elle est conforme à la destination de l'immeuble, cette restriction étant proportionnée entre la liberté du copropriétaire sur son lot et l'obligation de ce dernier de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires, notamment par la perte de confort acoustique.
En installant un revêtement de sol dégradant les qualités acoustiques de l'appartement voisin appartenant à des époux copropriétaires, contrairement aux obligations imposées par le règlement de copropriété, les locataires ont commis une faute à l'égard de ceux-ci.
Le copropriétaire bailleur qui a été informé des travaux engagés par les locataires et qui a donné son accord, devait s'assurer que les travaux menés par ses locataires étaient conformes au règlement de copropriété. Le trouble de jouissance subi par les copropriétaires n'étant pas dû aux bruits proprement dits des locataires, mais à la dégradation de l'isolation phonique de l'appartement, il en résulte que le propriétaire de l'appartement loué et donc du parquet installé au sol, ne peut donc reprocher à ses locataires d'être responsables des bruits subis par ses voisins.
- Cour d'appel de Paris, Pôle 4, chambre 2, 1er mars 2017, RG N° 14/20917