Courant 1973, Pierre et Catherine, époux, ont fait l'acquisition d'un terrain sur la commune de Sées (Orne), sur lequel ils ont fait construire leur maison d'habitation.
La société Service Environnement Propreté Valorisation (SEP Valorisation), après avoir obtenu le 13 novembre 2003 un récépissé de dépôt de déclaration en qualité d'installations classées pour la protection de l'environnement, au sens des dispositions des art. L.511-1 et suivants du code de l'environnement, a débuté la mise en exploitation d'une plate-forme de compostage de déchets verts sur un terrain mitoyen de celui des époux.
Le 6 août 2007, la société SEP Valorisation a obtenu un nouveau récépissé de dépôt de déclaration au titre de la législation précitée, cette fois en vue de l'exploitation d'une plate-forme de stockage de dépôt de bois, sur le même site que précédemment, activité qu'elle a entreprise début 2008.
À partir de 2010, elle va accueillir sur le site la société Biocombustibles, qui commencera à procéder à une activité de broyage des déchets bois stockés sur le site en question en vue de leur exploitation en chaufferie essentiellement pour le compte des collectivités.
Par arrêté du 2 octobre 2013, la SEP Valorisation fera l'objet d'une autorisation d'exploitation permettant l'augmentation de la capacité de stockage et de traitement des bois, outre l'installation de compostage de déchets verts déjà existante.
Se plaignant des multiples désagréments engendrés par cette activité, les époux ont saisi par exploit du 21 février 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Alençon, sollicitant au visa de l'article 809 alinéa 2 la condamnation à titre provisionnel de la Sep Valorisation
Même si la société, qui exploite une plate-forme de stockage de dépôt de bois et une activité de broyage de déchets de bois et de déchets verts, respecte la règlementation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, ce fait est inopérant dès lors que le trouble anormal de voisinage, qui s'apprécie in concreto, peut être constitué en l'absence de toute faute et notamment de tout manquement aux obligations légales et réglementaires relatives aux installations soumises à autorisation, et le respect global de l'environnement est sans emport sur la solution du litige qui ne concerne que les conditions d'existence des propriétaires de l'immeuble à usage d'habitation voisin.
Il résulte de l'ensemble des documents produits, notamment du rapport d'expertise judiciaire, que les nuisances générées par les activités susvisées dépassent les inconvénients normaux du voisinage. La poussière de bois se dépose sur le fonds voisin en quantité telle que les voisins, éleveurs de chevaux de course, lesquels étaient installés sur une prairie attenante à l'habitation, ont dû éloigner les chevaux par mesure de précaution et exposer des frais de location d'une parcelle. Les nuisances sonores sont également établies, de même que les odeurs nauséabondes dégagées lors du traitement des déchets verts. La perte de valeur de l'immeuble n'est pas contestable au regard de ces nuisances. Enfin, le rapport d'expertise médicale a constaté l'extrême fatigue du couple de voisins, dont l'état de santé s'est dégradé du fait du caractère prolongé et répété des nuisances. Le principe de créance ne se heurte dès lors à aucune contestation sérieuse au sens de l'art. 809 alinéa 2 du Code de procédure civile, justifiant l'allocation à chacun des époux d'une somme provisionnelle de 100'000 euro à valoir sur l'indemnisation de son entier préjudice.
- Cour d'appel de Caen, Chambre civile 1, 17 avril 2018, RG N° 17/02557