L'organisme Tracfin a informé les autorités judiciaires de soupçons de blanchiment à l'occasion d'opérations immobilières à hauteur de plus de 100 millions de francs portant sur d'importantes propriétés au Cap d'Antibes, le Château de la Garoupe, le Clocher de la Garoupe et la villa Altaïr, effectuées par l'intermédiaire de la société d'investissements France immeubles (Sifi) gérée par M. X, qui a bénéficié de fonds en provenance de la société suisse Ovaco AG, en lien avec Boris A, mathématicien russe ayant fait fortune après l'effondrement du régime soviétique, et de la société Runicom Ltd.
A l'issue d'une information judiciaire ouverte le 1er mars 2002, le juge d'instruction de Marseille, par ordonnance du 31 juillet 2013, a constaté l'extinction de l'action publique à l'encontre de Boris A, mis en examen pour blanchiment, en raison de son décès intervenu le 23 mars 2013 et renvoyé devant le tribunal correctionnel M. X des chefs de blanchiment de manière habituelle et en utilisant les facilités que procurait l'exercice de l'activité professionnelle d'agent immobilier et d'abus de bien sociaux et la société Sifi, pour blanchiment aggravé.
Le tribunal correctionnel, par jugement du 9 mars 2015, a déclaré les prévenus coupables des faits reprochés, et, en répression, a notamment prononcé la confiscation du domaine de la Garoupe, propriété de la société Sifi.
Les prévenus et le ministère public ont interjeté appel.
Pour confirmer partiellement le jugement et déclarer M. X et la société Sifi coupables de certains faits de blanchiment aggravé d'abus de confiance et de recel commis au préjudice de la société Runicom Ltd pour avoir acquis, pour le compte de Boris A, le château de la Garoupe à hauteur de plus de 24 millions de francs à l'aide d'un virement de 5 millions de dollars opéré sur instruction de la société Runicom Ltd, et pour avoir reçu sur le compte de la société Marcampéon, dont M. X était l'ayant-droit économique, les sommes de 7 millions de francs et 450'000 dollars provenant de la société Runicom Ltd et réaffecté ces sommes au paiement de travaux et de frais des propriétés, le château et le clocher de la Garoupe, l'arrêt d'appel retient notamment que ces fonds provenaient de la société Runicom Ltd, immatriculée à Gibraltar, contrôlée, au même titre que la société Runicom, par M. B, que la société Runicom Ltd avait pour objet social notamment la transaction immobilière et avait des engagements à long terme en matière de négoce de produits pétroliers avec la société pétrolière russe Sibneft et que les fonds litigieux ont été utilisés, par l'intermédiaire des sociétés Sifi, constituée à cette fin, et Marcampéon, pour participer à l'achat d'un bien immobilier et financer des frais y afférents, et ce, pour le compte de Boris A.
L'arrêt d'appel relève que M. B a ainsi assuré le financement des acquisitions et des dépenses personnelles effectuées en réalité au profit de Boris A qui n'avait aucun intérêt dans la société Runicom Ltd et que le transfert des fonds de cette société vers les sociétés Sifi et Marcampéon, dénuées de lien juridique ou capitalistique, n'avait aucune justification économique ou juridique.
Les juges ajoutent que M. X, homme d'affaires particulièrement avisé qui a une longue expérience en matière de transactions immobilières sur la Côte d'Azur, ne peut arguer qu'il ne connaissait pas la provenance des fonds, qu'il a, en toute connaissance de cause, proposé d'être le gérant de la société Sifi et qu'il ne pouvait ignorer que le versement direct de ces sommes, sans aucune contrepartie et en dehors de toute obligation contractuelle, était contraire à l'intérêt social de la société Runicom Ltd qui assumait ainsi en partie la charge financière d'un bien immobilier qui n'entrerait pas dans ses actifs et qu'en raison de ses contacts avec les différents intervenants, il ne pouvait pas davantage ignorer que les sommes utilisées pour faire face aux différentes dépenses étaient détournées de la société Runicom Ltd lors de leur remise à la société Marcampéon.
En l'état de ces énonciations, qui établissent avec suffisance l'existence d'une infraction principale ayant procuré les sommes litigieuses et la connaissance par le prévenu, professionnel de l'immobilier et gérant de sociétés, de leur origine frauduleuse, la cour d'appel, qui a caractérisé le délit en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel et répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, a justifié sa décision.
- Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 octobre 2017 , pourvoi N° 16-80.238