La Cour de cassation annule l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry rendu en 2016 qui, dans "l'affaire Tefal", avait condamné une inspectrice du travail à 3'500 EUR d’amende avec sursis pour recel de correspondances électroniques et de données internes à l’entreprise et violation du secret professionnel.
En octobre 2013, cette inspectrice du travail avait reçu d’un salarié de la société Tefal des documents confidentiels laissant entendre que la direction de l’entreprise exerçait des pressions sur elle par l’intermédiaire de son supérieur.
L’inspectrice du travail avait alors envoyé ces documents au Conseil national de l’inspection du travail (CNIT), une instance consultative chargée de veiller sur l’impartialité des agents de son administration, car à cette époque elle s’estimait victime de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique, en vue d’entraver sa mission de contrôle de la société Tefal.
L’inspectrice du travail avait aussi transmis ces documents à plusieurs organisations syndicales, lesquels avaient ensuite "fuités" sur Internet et dans la presse.
À la suite d’une plainte déposée par la société Tefal, l’inspectrice du travail avait été condamnée par le Tribunal correctionnel d’Annecy en décembre 2015, puis par la Cour d’appel de Chambéry en novembre 2016 pour recel de correspondances électroniques et de données internes à l’entreprise et violation du secret professionnel.
L’inspectrice du travail s’est pourvue en cassation. Elle a invoqué l'application de la loi Sapin 2, qui a institué un statut du lanceur d’alerte et lui garantit une protection de par son irresponsabilité pénale (loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, J.O. du 10).
La Cour de cassation censure la décision rendue au motif que la situation de la prévenue n’avait pas été examinée au regard de l’art. 7 de la loi de 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, qui a donc institué, à compter du 11 décembre 2016, une nouvelle cause d’irresponsabilité pénale au bénéfice de la personne ayant, dans certaines conditions, porté atteinte à un secret protégé par la loi.
Précisément, et aux termes de l’art. 122-9 du Code pénal, n'est pas pénalement responsable la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que : 1) cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause ; 2) elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi ; 3) et la personne répond aux critères de définition du lanceur d'alerte prévus à l’art. 6 de la loi susvisée, "qualité" qu’avait invoqué la prévenue pour sa défense.
L’affaire est renvoyée. Elle sera réexaminée par une autre cour d’appel.
- Cour de cassation, Ch. crim., 17 octobre 2018, pouvoi n° 17-80.485, cassation avec renvoi, F-D