1. Il résulte de l'arrêt attaqué (Paris, 19 mai 2017) que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a assigné en référé, sur le fondement de l'article L. 631-7, alinéa 6, du Code de la construction et de l'habitation, la société civile immobilière Cali Apartments (la société Cali Apartments), propriétaire d'un studio situé à Paris, afin de la voir condamner au paiement d'une amende et de voir ordonner le retour du bien à son usage d'habitation. Le maire de la ville de Paris est intervenu volontairement à l'instance.
2. La cour d'appel a retenu qu'il était établi que le studio, qui avait été proposé à la location sur un site internet, avait fait l'objet, sans autorisation préalable, de locations de courte durée, épisodiques, à l'usage d'une clientèle de passage, en violation des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation. Elle a, sur le fondement de l'article L. 651-2 du même code, condamné la société Cali Apartments au paiement d'une amende de 15 000 euro, dit que le produit de cette amende serait versé à la ville de Paris et ordonné le retour du local à un usage d'habitation.
3. La société Cali Apartments fait grief à l'arrêt d'appel
de la condamner au paiement d'une amende et d'ordonner le retour du local à l'usage d'habitation alors, selon le premier moyen, qu'en appliquant les articles L. 631-7, alinéa 6, et L. 651-2, alinéa 1, du Code de la construction et de l'habitation, la cour d'appel a violé le principe de primauté du droit de l'Union européenne, en ce qu'elle n'a pas établi que cette restriction à la libre prestation de service était justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général et que l'objectif poursuivi ne pouvait pas être réalisé par une mesure moins contraignante comme l'exige l'article 9, sous b) et c) de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 (première et deuxième branches) et que la mise en oeuvre de cette mesure ne dépend pas de critères répondant aux exigences de l'article 10 de la directive précitée (troisième et quatrième branches).
La Cour de cassation décide de surseoir à statuer sur le pourvoi jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les différents points suivants (questions) :
1°/ La directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, eu égard à la définition de son objet et de son champ d'application par ses articles 1 et 2, s'applique-t-elle à la location à titre onéreux, même à titre non professionnel, de manière répétée et pour de courtes durées, d'un local meublé à usage d'habitation ne constituant pas la résidence principale du loueur, à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile, notamment au regard des notions de prestataires et de services ?
2°/ en cas de réponse positive à la question précédente, une réglementation nationale, telle que celle prévue par l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, constitue-t-elle un régime d'autorisation de l'activité susvisée au sens des articles 9 à 13 de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006 ou seulement une exigence soumise aux dispositions des articles 14 et 15 ?
Dans l'hypothèse où les articles 9 à 13 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 sont applicables :
3°/ L'article 9 sous b) de cette directive doit-il être interprété en ce sens que l'objectif tenant à la lutte contre la pénurie de logements destinés à la location constitue une raison impérieuse d'intérêt général permettant de justifier une mesure nationale soumettant à autorisation, dans certaines zones géographiques, la location d'un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ?
4°/ Dans l'affirmative, une telle mesure est-elle proportionnée à l'objectif poursuivi ?
5°/ L'article 10, paragraphe 2, sous d) et e) de la directive s'oppose-t-il à une mesure nationale qui subordonne à autorisation le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation "de manière répétée", pour de "courtes durées", à une "clientèle de passage qui n'y élit pas domicile" ?
6°/ L'article 10, paragraphe 2, sous d) à g) de la directive s'oppose-t-il à un régime d'autorisation prévoyant que les conditions de délivrance de l'autorisation sont fixées, par une délibération du conseil municipal, au regard des objectifs de mixité sociale, en fonction notamment des caractéristiques des marchés de locaux d'habitation et de la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements ?
- Cour de cassation, chambre civile 3, 15 novembre 2018, N° de pourvoi: 17-26.156, publié au bulletin