La juridiction de renvoi cherche à savoir, en substance, si l’art. 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive, doit être interprété en ce sens qu’il vise une clause ayant pour objet ou pour effet, d’une part, de laisser légitimement supposer au consommateur qu’il est tenu d’exécuter toutes ses obligations contractuelles, même s’il estime que certaines prestations ne sont pas dues et, d’autre part, d’entraver l’exercice, par le consommateur, d’actions en justice ou des voies de recours, lorsque le montant restant dû par celui-ci au titre du contrat est établi par acte notarié doté de la force probante, permettant au créancier de mettre fin au litige.
Il ressort du libellé du point 1, sous q), de l’annexe de la directive 93/13 que ce point vise des clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice, par le consommateur, d’actions en justice ou des voies de recours.
La Cour a déjà jugé, s’agissant de clauses susceptibles de relever du point 1, sous q), de l’annexe de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’art. 3, paragraphe 1, de cette même directive, que le juge national doit apprécier si, et, le cas échéant, dans quelle mesure, la clause concernée déroge aux règles applicables en l’absence d’accord entre les parties, de sorte à rendre plus difficile pour le consommateur, au vu des moyens procéduraux dont il dispose, l’accès à la justice et l’exercice des droits de la défense (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2013, Aziz, C-415/11, EU:C:2013:164, point 75).
Il s’ensuit qu’une clause qui n’est pas susceptible de placer le consommateur dans une situation juridique moins favorable que celle prévue par le droit national en vigueur ne relève pas du point 1, sous q), de l’annexe de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, de cette directive. Le point 1, sous q), de cette annexe vise donc des clauses ayant des conséquences juridiques qui peuvent être établies de manière objective. Cette considération n’est pas altérée par le fait que l’insertion d’une telle clause dans un contrat puisse donner l’impression au consommateur que les voies de recours sont restreintes et que, de ce fait, celui-ci est tenu de satisfaire à toutes les obligations contenues dans le contrat, dès lors que la clause concernée ne porte pas atteinte à sa position juridique compte tenu de la réglementation nationale applicable.
En l’occurrence, selon la juridiction de renvoi, la clause en cause au principal traduit, notamment, la possibilité pour le créancier, telle que prévue par le droit hongrois, de déclencher, en cas de manquement grave aux obligations contractuelles de la part du consommateur, l’exécution forcée du paiement du montant restant dû par celui-ci sur le fondement d’un acte notarié revêtu de la formule exécutoire. Cette juridiction indique également que le débiteur peut engager une procédure tendant à l’exclusion ou à la limitation de l’exécution forcée.
Concernant cette même procédure simplifiée d’exécution forcée, il a été relevé au point 60 de l’arrêt du 1er octobre 2015, ERSTE Bank Hungary (C-32/14, EU:C:2015:637) que le consommateur peut, d’une part, en application de l’art. 209/A, paragraphe 1, du code civil, introduire un recours en contestation de la validité du contrat et, d’autre part, en application de l’article 369 du code de procédure civile, engager une procédure tendant à l’exclusion ou à la limitation de l’exécution forcée. Dans le cadre de cette dernière procédure, le consommateur peut, aux termes de l’article 370 du code de procédure civile, demander la suspension de l’exécution forcée du contrat.
Dans ces conditions, il apparaît, ce qu’il revient néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier, que la clause en cause au principal n’altère pas la position juridique du consommateur en ce qu’elle ne supprime ni n’entrave l’exercice, par celui-ci, d’actions en justice ou des voies de recours, au sens du point 1, sous q), de l’annexe de la directive 93/13.
En revanche, une clause permettant au créancier de mettre fin à tout litige de manière unilatérale, le montant restant dû étant √ établi, sur le fondement des livres de la banque, par acte notarié pouvant être revêtu, par le notaire, de la formule exécutoire, est susceptible de relever du point 1, sous q), de l’annexe de la directive 93/13. En effet, dans la mesure où une telle clause confère au professionnel le droit de trancher de manière définitive d’éventuels litiges relatifs aux obligations contractuelles, elle supprime ou entrave l’exercice, par le consommateur, d’actions en justice ou des voies de recours au sens de ladite disposition.
Toutefois, ainsi qu’il a été relevé au point 54 du présent arrêt, il apparaît que la clause en cause au principal n’est pas de nature à supprimer ou à entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours compte tenu des modalités procédurales prévues par le droit hongrois applicable, ce qu’il incombe néanmoins à la juridiction de renvoi de vérifier.
À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que l’art. 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une législation nationale qui permet à un notaire ayant établi, dans le respect des exigences formelles, un acte authentique concernant un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, de procéder à l’apposition de la formule exécutoire sur ledit acte ou de refuser de procéder à sa suppression alors que, à aucun moment, un contrôle du caractère abusif des clauses dudit contrat n’a été effectué, à la condition toutefois que les modalités procédurales des recours prévues par le droit national garantissent, dans les circonstances de l’affaire concernée, une protection juridictionnelle effective au consommateur, ce qu’il appartient au juge national de vérifier (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2015, ERSTE Bank Hungary, C-32/14, EU:C:2015:637, points 64 et 65).
Eu égard à ce qui précède, il convient de répondre à la deuxième question que l’art. 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive, doit être interprété en ce sens, d’une part, qu’il ne vise pas une clause ayant pour objet ou pour effet de laisser légitimement supposer au consommateur qu’il est tenu d’exécuter toutes ses obligations contractuelles, même s’il estime que certaines prestations ne sont pas dues, dès lors que cette clause n’altère pas la position juridique du consommateur compte tenu de la réglementation nationale applicable et, d’autre part, qu’il vise une clause ayant pour objet ou pour effet d’entraver l’exercice, par le consommateur, d’actions en justice ou des voies de recours, lorsque le montant restant dû est établi par acte notarié doté de la force probante, permettant au créancier de mettre fin au litige de manière unilatérale et définitive.
- CJUE, n° C-34/18, Arrêt de la Cour, Ottília Lovasné Tóth contre ERSTE Bank Hungary Zrt, 19 septembre 2019