En vertu de l’art. 809, premier alinéa, du Code de procédure civile, peuvent toujours être prescrites en référé, même en présence d’une contestation sérieuse, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
La SCI Motopolis soutient que les travaux entrepris constituent un trouble manifestement illicite en ce que:
— d’une part, ils sont exécutés sur des parties communes sans modification du règlement de copropriété adopté à l’unanimité des copropriétaires s’agissant d’une modification de la destination de l’immeuble,
— d’autre part, ils n’ont pas été présentés aux copropriétaires qui ne peuvent vérifier leur conformité à ceux autorisés en 2010, alors que l’autorisation a été donnée sans présentation de plans ni aucune précision.
Selon l’art. 25 de la loi du 10 juillet 1965 modifiée le 23 novembre 2018:
«Ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant :
… b) L’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci'; …
d) Les conditions auxquelles sont réalisés les actes de disposition sur les parties communes ou sur des droits accessoires à ces parties communes, lorsque ces actes résultent d’obligations légales ou réglementaires telles que celles relatives à l’établissement de cours communes, d’autres servitudes ou à la cession de droits de mitoyenneté'».
Et suivant l’art. 26 de la même loi :
«… Sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant :
a) Les actes d’acquisition immobilière et les actes de disposition autres que ceux visés à l’article 25 d ;
b) La modification, ou éventuellement l’établissement, du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l’usage et l’administration des parties communes.
L’assemblée générale ne peut, sauf à l’unanimité des voix de tous les copropriétaires, décider l’aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au respect de la destination de l’immeuble…».
En l’espèce, les travaux envisagés consistent en un agrandissement de la surface commerciale du lot n° 3 appartenant à la SCI Distrinvestment, à exécuter sur une partie commune dont elle a la jouissance privative.
Selon l’art. 8 du règlement de copropriété, l’ensemble immobilier est destiné exclusivement à l’usage commercial de sorte que la transformation de parkings à usage exclusif de la SCI Distrinvestment n’a pas pour effet de modifier la destination de l’immeuble.
Mais l’usage privatif d’une partie commune ne confère pas au copropriétaire qui en bénéficie, un droit d’y édifier des constructions en application de l’art. 3 de la loi du 10 juillet 1965.
De sorte que les travaux envisagés par la SCI Distrinvestment qui constituent une véritable appropriation de la partie commune doivent être autorisés conformément à l’art. 26 de la même loi, autorisation qui implique la modification du règlement de copropriété en tant qu’il s’agit d’une dérogation aux modalités de jouissance des parties communes initialement convenues ou la réalisation d’un acte de disposition sur les parties communes.
L’assemblée générale des copropriétaires peut accepter a posteriori de tels travaux mais aux conditions de vote de l’article 26.
L’assemblée générale des copropriétaires du 19 février 2010, dans sa quatrième résolution a délibéré en ces termes':
«l’ assemblée générale, après en avoir délibéré approuve l’agrandissement du bâtiment 3 sur l’arrière.
Cette résolution est adoptée à l’unanimité, la SCI Daturas ne participe pas au vote».
Il n’est nullement prévu le droit de construire sur les parties communes mais eu égard à la configuration des lieux, le principe en était acquis.
En revanche, la question posée à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 16 mai 2019, était plus précise:
«Modification du règlement de copropriété: la SCI Distrinvestment a entrepris la construction d’un bâtiment de 307m² exclusivement sur les parties communes de la copropriété, l’ensemble des copropriétaires doit débattre sur les conditions de modification du règlement de copropriété pour permettre la régularisation de la construction».
A cette question l’assemblée générale a répondu en ces termes:
«3°': Modification du règlement de copropriété (à l’unanimité):
L’assemblée décide de modifier le règlement de copropriété consécutivement à la construction de l’agrandissement de 307m² du bâtiment 3 par la SCI Distrinvestment. La modification sera établie par un notaire neutre et indépendant.
Une prochaine assemblée devra débattre des conditions de modification du règlement afin de régulariser la situation.
Cette résolution est adoptée par 5 voix représentant les 1000 millièmes».
Le trouble manifestement illicite se définit comme toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit à laquelle le juge des référés peut mettre un terme à titre provisoire.
Considérant les termes de l’assemblée générale du 16 mai 2019 qui consacre l’accord sur la modification du règlement de copropriété en vue d’autoriser la construction sur une partie commune, la preuve d’une violation évidente d’une règle de droit n’apparaît donc pas suffisamment établie.
La décision est en conséquence confirmée en toutes ses dispositions.
- Cour d'appel de Toulouse, 3e chambre, 31 octobre 2019, RG n° 19/00759