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Le 18 décembre 2019

 

En application de l’art. 1382 du Code civil, dans sa version applicable au présent litige, le notaire est responsable à l’égard des tiers de toute fautepréjudiciable commise par lui dans l’exercice de ses fonctions. Le notaire est ainsi tenu d’une obligation d’information et d’une obligation de s’assurer de la validité de l’acte dont il est l’instrumentaire.

L’appelant soutient le notaire, maître Y, notaire , a tardé à signaler à l’agence immobilière, au vendeur et à l’acquéreur l’existence d’un bail rural grevant la parcelle objet de la vente, et à accomplir les formalités de purge des droits de préemption. Il considère également que le notaire n’a pas démontré que le preneur répondait aux conditions pour pouvoir préempter.

Il convient de rappeler que le notaire n’est pas intervenu dans la négociation entre le vendeur et l’acquéreur ni dans la rédaction du compromis de vente. Celui-ci, en date du 28 avril 2014, a fixé une date pour la réitération de la vente par acte authentique au 28 juillet 2014. La vente était notamment assortie d’une condition suspensive relative au droit de préemption urbain, et d’une condition suspensive d’obtention d’un financement expirant le 27 juin 2014, laquelle a été prorogée par accord écrit du 26 juin 2014, jusqu’au 20 juillet 2014.

Il est justifié aux débats que ce n’est que le 22 mai 2014 que l’agence immobilière a transmis au notaire le compromis de vente signé entre les parties. Le notaire, affirme sans être contredit sur ce point, ainsi qu’il est mentionné dans un courrier électronique du 8 septembre 2014, qu’il a reçu des représentants de l’agence immobilière après réception du compromis de vente afin de leur expliquer que la parcelle n’était pas libre de toute location ou occupation. L’agence immobilière mandatée par le vendeur disposait donc des informations sur la nécessité de purger le droit de préemption du preneur rural, lui permettant d’informer pleinement son mandant et l’acquéreur.

Il ne saurait être exigé du notaire qu’il pallie le défaut d’information pré-contractuelle imputable au vendeur et à l’agence immobilière quant à l’existence d’un bail rural grevant le bien à vendre, en informant personnellement et a posteriori l’acquéreur de l’existence de ce bail rural. L’information délivrée après le compromis ne pouvait avoir aucun effet quant à l’engagement de l’acquéreur déjà souscrit, dont il ne pouvait se délier par sa seule volonté. Il incombait en revanche au notaire de tirer toutes les conséquences de l’existence de ce bail rural en accomplissant les démarches pour réaliser la purge du droit de préemption.

Par courrier du 30 mai 2014, envoyé au notaire assistant l’acquéreur, maître Y a sollicité la communication de diverses pièces «afin de ne pas retarder la constitution du dossier», tels que des documents relatifs à l’identité de M. E-G, relatifs au prêt et au permis de construire. Ces documents n’ont pas été produits par maître H-I mandaté par M. E-G, de sorte que maître Y a adressé un courrier de relance à sa cons’ur le 11 juillet 2014, démontrant sa volonté de faire avancer la vente. Les documents d’identité et l’accord de prêt n’ont été communiqués à maître Y que le 24 juillet 2014, soit quatre jours seulement avant la date initialement prévue pour la réitération de la vente par acte authentique.

Le 24 juin 2014, le notaire a établi la déclaration d’intention d’aliéner afin de purger le droit de préemption urbain. Cette demande formée un mois après avoir été saisi du compromis de vente, et plus d’un mois avant la date prévue pour la signature de l’acte authentique, n’est pas tardive et se trouvait adaptée au délai de traitement de ladite déclaration. Ainsi, dès le 2 juillet 2014, le président de l’agglomération montargoise a informé le notaire qu’il renonçait à exercer son droit de préemption. La purge du droit de préemption urbain a donc été effectuée avec diligence.

L’art. L.412-1 du Code rural et de la pêche maritime prévoit un droit de préemption de l’exploitant preneur en place sur un bien dont le propriétaire envisage l’aliénation à titre onéreux, qui s’exerce, aux termes de l’art. L.412-4 du même code, que s’il n’a été fait usage des droits de préemption établis par les textes en vigueur, notamment au profit de l’État, des collectivités publiques et des établissements publics. Il s’ensuit que le droit de préemption urbain de l’agglomération montargoise primait sur le droit de préemption du preneur.

L’art. L.412-5 du Code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable en la cause, dispose que le droit de préemption ne bénéficie qu’au preneur ayant exercé, au moins pendant trois ans, la profession agricole et exploitant par lui-même ou par sa famille le fonds mis en vente, et qu’il peut l’exercer soit pour exploiter lui-même, soit pour faire assurer l’exploitation du fonds par son conjoint ou le partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité participant à l’exploitation ou par un descendant.

Cette disposition dispose également que «le droit de préemption ne peut être exercé si, au jour où il fait connaître sa décision d’exercer ce droit, le bénéficiaire ou, le cas échéant le conjoint, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le descendant subrogé, est déjà propriétaire de parcelles représentant une superficie supérieure à trois fois la surface minimum d’installation prévue à l’art. L. 312-6 du Code rural et de la pêche maritime».

L’art. L.412-8 du code rural et de la pêche maritime prévoir qu’après avoir été informé par le propriétaire de son intention de vendre, «'le notaire chargé d’instrumenter doit faire connaître au preneur bénéficiaire du droit de préemption, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par acte d’huissier de justice, le prix, les charges, les conditions et les modalités de la vente projetée'» et que cette communication vaut offre de vente aux prix et conditions qui y sont contenus conformément aux dispositions de l’art. 1589 alinéa 1er du Code civil. Le preneur dispose alors d’un délai de deux mois à compter de la réception de la lettre recommandée ou de l’acte d’huissier pour faire connaître, dans les mêmes formes, au propriétaire vendeur, son refus ou son acceptation de l’offre aux prix, charges et conditions communiqués avec indication des nom et domicile de la personne qui exerce le droit de préemption.

Par courrier du 14 juin 2014, le notaire Y a informé le preneur en place, M. Z du projet de vente de la parcelle exploitée, et l’a invité à le contacter pour pouvoir discuter de ce projet. Cette prise de contact visait pour le notaire à s’assurer que le preneur remplissait les conditions pour pouvoir bénéficier du droit de préemption prévu par l’art. L.412-1 du Code rural et de la pêche maritime. En effet, le notaire n’a pas à notifier une offre au preneur qui ne peut exercer le droit de préemption, ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Cass. Civ. 3e, 10 nov. 1971, n° 70-12276), sous peine d’engager sa responsabilité en cas d’offre adressée à un preneur ne bénéficiant pas du droit de préemption.

Maître Y justifie que le preneur en place lui a communiqué, par courrier du 21 juillet 2014, les états de la MSA établissant la location des parcelles concernées dont il est le preneur depuis le 13 novembre 2009. Ce n’est donc qu’à cette date que le notaire a pu acquérir la certitude que le preneur en place remplissait la condition de durée d’exploitation agricole requise pour pouvoir bénéficier du droit de préemption légal.

Si les conditions d’ancienneté et d’exploitation personnelle, prévues par l’art. L.412-5 du Code rural et de la pêche maritime, sont des conditions d’ouverture du droit de préemption, la qualité de propriétaire de parcelles représentant une superficie supérieure à trois fois la surface minimum d’installation prévue à l’arti. L. 312-6 du code précité, constitue une incapacité d’exercice du droit de préemption, laquelle s’apprécie à la date où le bénéficiaire du droit de préemption fait connaître sa décision de l’exercer.

Le notaire, chargé de vérifier les conditions d’ouverture du droit de préemption du preneur rural, n’est en revanche pas tenu de vérifier que la superficie des parcelles détenues par le propriétaire du droit de préemption excède de trois fois la surface minimum d’installation prévue à l’article L. 312-6 du Code rural et de la pêche maritime. En outre, la charge de la preuve que le preneur détient une superficie supérieure à la limite prévue pour lui permettre de préempter, incombe à celui qui conteste le droit du preneur (Soc., 16 nov. 1950). L’appelant qui affirme que M. Z était propriétaire de parcelles excédant de trois fois la surface minimum d’installation, ne produit aucun élément propre à démontrer la réalité de son allégation.

Maître Y a adressé une offre de vente au preneur rural afin de purger le droit de préemption, le 1er août 2014, soit huit jours après avoir acquis la certitude que celui-ci remplissait les conditions pour bénéficier du droit de préemption, ce qui illustre un traitement diligent du dossier, nonobstant le fait que la date initialement prévue pour l’acte authentique était dépassée.

Le moyen tiré de l’application de l’art. L.412-9 du Code rural et de la pêche maritime, qui oblige le propriétaire à notifier la vente du fonds dans les dix jours au bénéficiaire du droit de préemption, est inopérant, dès lors que le délai de dix jours n’est exigé pour notifier la vente au preneur afin qu’il ait connaissance du nouveau propriétaire, et non pour l’offre de vente. Il convient de rappeler, qu’en l’espèce, la vente s’est finalement opérée en faveur du preneur rural de sorte que cette disposition est sans objet.

Le preneur rural a notifié au propriétaire son intention d’exercer son droit de préemption par courrier du 26 septembre 2014, en faisant expressément référence à l’offre de vente du 1er août 2014. Le droit de préemption a été exercé dans le délai de deux mois de sorte que la vente ne pouvait que se réaliser au profit du preneur rural, au détriment de M. E-G.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le notaire en charge de la vente n’a commis aucune manquement à son obligation d’information, et a accompli les démarches de purge des droits de préemption avec diligence et souci de faire avancer le dossier. L’impossibilité de respecter la date initialement prévue pour la réitération de l’acte authentique ne provient nullement d’une faute du notairequi n’a reçu le compromis de vente que le 22 mai 2014, mais de la faute initiale de l’agence immobilière qui, en établissant un compromis de vente pour un bien annoncé comme étant libre de toute location ou d’occupation, a fixé une date de signature de l’acte authentique irréaliste compte tenu des démarches à accomplir et du délai de purge du droit de préemption du preneur rural.

Il convient donc de dire que le notaire, maître Y, n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle, et de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté l’ensemble des demandes formées à son encontre.

Référence: 

- Cour d'appel d'Orléans, Chambre civile, 16 décembre 2019, RG n° 18/00392