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Le 21 décembre 2019

 

L'art. 1315 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, pose le principe que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver en sorte qu’il appartient à celui qui se prétend créancier d’apporter la preuve de la remise des fonds, puis celle-ci, comme celle au demeurant de l’absence d’intention libérale, ne suffisant pas à faire naître une obligation de restitution, de prouver l’existence d’un contrat de prêt.

Si la preuve de l’absence d’intention libérale peut se faire par tous moyens, la preuve d’un contrat de prêt doit être apportée conformément aux règles qui gouvernent la preuve des actes juridiques, ce qui implique, en vertu des dispositions de l’article 1341 du code civil, dans sa rédaction également antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la production d’un écrit, sauf dans les hypothèses visées par les art. 1347 et 1348 anciens du Code civil, de commencement de preuve par écrit et de l’absence de possibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit.

Selon en effet l’art. 1347 ancien du même code, l’exigence d’une preuve écrite édictée par l’art. 1341 précité reçoit exception lorsqu’il existe un commencement de preuve par écrit, à savoir tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu’il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.

Elle reçoit, selon l’art. 1348 ancien du même code, également exception lorsque l’une des parties, soit n’a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l’acte juridique, soit a perdu le titre qui lui servait de preuve littérale, par suite d’un cas fortuit ou d’une force majeure.

Il suit que, dès lors que madame E F invoque l’existence de trois prêts, deux de 15 .000 euro chacun et, le troisième, de 6. 000 euro, la preuve de ces contrats ne peut être rapportée que dans les conditions prévues à l’article 1341 précité du code civil, sauf à caractériser un des cas d’exception mentionnés aux articles 1347 et 1348 suivants, étant observé que la remise par madame E F à monsieur D X et monsieur G Y de la somme globale de 36. 000 euro au moyen de trois chèques encaissés par eux, le premier, émis le 2 janvier 2011, de 15 .000 euro, le deuxième, émis le 19 novembre 2011, du même montant et, le troisième, daté du 23 février 2012, de 6. 000 eurso, n’est pas contestée et se trouve au demeurant établie par les pièces versées aux débats.

Pour considérer que cette preuve était rapportée en l’espèce et ainsi accueillir la demande en paiement formée par madame E F à l’encontre de monsieur D X et monsieur G Y, le premier juge, considérant qu’il existait des liens d’amitié et d’affection relativement anciens entre les parties, a retenu que la première s’était trouvée dans l’impossibilité morale de solliciter des seconds « une reconnaissance de dette régulière ».

Il a ensuite estimé, d’une part, que l’endossement par monsieur D X et monsieur G Y des chèques remis par madame E F valait commencement de preuve par écrit, lequel était valablement complété par les témoignages de mesdames Z et A et de messieurs B, C et D, produits par madame E F, d’autre part que monsieur D X et monsieur G Y n’expliquaient pas en quoi le responsable de l’association de défense des victimes de risques professionnels, de violence et harcèlement d’Escaudain aurait menti ou se serait fourvoyé et, enfin, que leur allégation selon laquelle la somme de 36. 000 euro était destinée à couvrir « diverses études, projets et dessins réalisés dans le cadre de la vente de la ferme [de madame E F] et de la décoration de son nouveau logement, n’était corroborée par aucune facture pour travaux d’architecture d’intérieur, ni aucun devis accepté ».

Cependant, outre que les exceptions visées aux art. 1347 et 1348 précités du Code civil ne se cumulent pas, force est de constater que si madame E F, afin d’être dispensée de fournir la preuve par écrit des contrats de prêt qu’elle prétend avoir conclus avec monsieur D X et monsieur G Y, invoque l’art. 1348 ancien du Code civil qui dispose que les règles édictées par l’art. 1341 précité reçoivent exception « lorsque l’une des parties (') n’a pas eu la possibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve littérale de l’acte juridique », l’intéressée se borne en définitive à faire état de ce qu’en raison de sa remise volontaire aux prétendus emprunteurs, elle n’est en réalité plus en possession du titre qui lui servait de preuve littérale, lequel aurait donc selon elle bien été établi, ce qui exclut l’application des dispositions de l’art. 1348 précité du Code civil qu’elle invoque.

Il sera de surcroît relevé que madame E F, quand même au moment de l’émission des chèques litigieux, elle entretenait des liens d’amitié et d’affection avec monsieur D X et monsieur G Y, ne démontre en tout état de cause pas qu’il ait existé en l’espèce des circonstances particulières d’où serait résulté pour elle l’impossibilité morale de conserver par devers elle la reconnaissance de dette qui aurait été ainsi établie par écrit alors que, compte tenu de l’importance des sommes remises, elle ne pouvait craindre de froisser la susceptibilité des appelants avec lesquels elle admet n’avoir noué une relation d’amitié qu’à compter de l’année 2007 et dont elle venait d’obtenir l’établissement par écrit de leur convention.

Il en est d’autant plus ainsi qu’il résulte des éléments du dossier qu’elle avait, moins d’un an avant la remise, le 2 janvier 2011, de la première somme litigieuse de 15.000 euro, déjà obtenu de monsieur D X et monsieur G Y la confection, par prudence, d’un écrit signé de leur part aux termes duquel ils se reconnaissaient débiteurs d’une somme de 9. 300 euro qu’ils avaient reçue d’elle en dépôt dans leur coffre-fort.

C’est donc à tort que le premier juge a retenu qu’il existait une impossibilité morale pour madame E F d’exiger de monsieur D X et monsieur G Y une preuve par écrit de leur convention.

Dans la mesure ensuite où seul constitue un commencement de preuve par écrit l’acte qui émane de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué, c’est également à tort que le premier juge a déduit du seul endossement par monsieur D X et monsieur G Y des trois chèques litigieux, l’existence d’un commencement de preuve par écrit rendant vraisemblable le prêt invoqué alors que cet endossement démontre seulement la réalité du transfert des fonds, que les appelants n’ont au demeurant jamais contestée, et non pas l’obligation de ces derniers de les restituer, obligation en revanche qu’ils contestent et qui seule caractérise l’existence d’un contrat de prêt.

Pour cette même raison, madame E F ne saurait de son côté déduire un commencement de preuve par écrit des seules déclarations retranscrites par le président de l’association de défense des victimes de risques professionnels, de violence et harcèlement d’Escaudain dans le compte-rendu qu’il a dressé le 7 août 2014 de la réunion qui a rassemblé les parties le 8 juillet 2014, cet écrit n’émanant par conséquent pas de monsieur D X et monsieur G Y.

N’étant ni prétendu ni établi que les paiements que ces derniers auraient effectués en remboursement de leur dette supposée, l’un par virement d’une somme de 1. 000 euro et, l’autre, par remise d’espèces à hauteur de 100 euro, auraient été assortis d’un écrit de monsieur D X et monsieur G Y rendant vraisemblable le prêt allégué, madame E F n’est pas davantage fondée à prétendre que ces paiements constitueraient également un commencement de preuve par écrit lui permettant d’échapper à l’exigence de preuve littérale.

Faute en ces conditions de détenir un acte répondant aux exigences de l’art. 1341 précité du Code civil ou un commencement de preuve par écrit émané de messieurs X et Y tel que le définit l’art. 1347 précitél et faute d’établir qu’elle était dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit comme le prévoit l’art. 1348 du même code, madame E F ne peut valablement prétendre prouver la véracité de ses dires au moyen des témoignages qu’elle verse aux débats ni des indices qu’elle invoque.

Dès lors enfin qu’il résulte de l’art. 1355 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, que l’allégation d’un aveu extrajudiciaire purement verbal est inutile toutes les fois qu’il s’agit d’une demande dont la preuve testimoniale ne serait point admissible, la reconnaissance que monsieur D X et monsieur G Y auraient faite, selon madame E F, lors de la réunion du 8 juillet 2014 devant le président de l’association de défense des victimes de risques professionnels, de violence et harcèlement d’Escaudain, de ce qu’elle leur aurait consenti un prêt de 36. 000 euro, ne saurait, en l’absence d’impossibilité morale de se procurer un écrit et faute de commencement de preuve par écrit, davantage suppléer le défaut de preuve par écrit du contrat de prêt allégué.

Madame E F H dans l'incapacité de rapporter la preuve qui lui incombe d’un prêt conclu entre les parties, la demande en paiement formée par elle n’apparaît par conséquent pas fondée et doit donc, par infirmation du jugement déféré, être rejetée.

Madame E F succombant en ses prétentions, sa demande en dommages-intérêts ne saurait prospérer.

Référence: 

- Cour d'appel de Douai, Chambre 8, section 1, 19 décembre 2019, RG n° 17/03678