La cour a été saisie d’un appel interjeté le 21 mars 2019 par la Commune de Lunel à l’encontre d’une ordonnance en date du 14 février 2019 rendu par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à faire condamner Mme Y X à l’enlèvement des caravanes et bornes d’alimentation qu’elle a implantés sur sa parcelle cadastrée à Lunel section AA n° 37 et 38 et classée en zone agricole.
Le premier juge a considéré que si le trouble manifestement illicite était matériellement établi, le principe de proportionnalité revendiqué par Mme X sur le fondement de l’art. 8 de la CEDH s’opposait à faire droit à la demande de remise en état réclamée par la commune au motif que le trouble éventuel à l’ordre public causé par l’intéressée qui habitait dans une caravane sur la parcelle litigieuse dont elle était propriétaire ne justifie pas l’enlèvement de son moyen de logement, au seul motif de la méconnaissance d’une règle d’urbanisme ayant placé le terrain en zone agricole inconstructible en raison de sa valeur paysagère.
En l’espèce, il n’est pas contesté que seule la remise en état des lieux est en l’occurrence réclamée par la Commune et que le plan local d’urbanisme produit aux débats interdit en zone An correspondant un secteur de vignes classé, AOC où se trouve la parcelle litigieuse appartenant à Mme X, toute construction, installation ou extension nouvelle même destinée à l’exploitation agricole ainsi que le stationnement de caravanes, installation de résidence mobile de loisirs ou l’implantation d’habitation légère de loisirs.
Par un premier arrêt en date du 25 janvier 2018, la Cour d’appel de Montpellier a confirmé l’ordonnance de référé enjoignant à Mme X de démolir l’extension de son mazet et à supprimer dans les deux mois de la signification de l’arrêt l’habitation légère de loisirs implantée sur sa parcelle, sous astreinte de 100 € par jour de retard courant pendant 90 jours.
Dans cet arrêt, la cour retient l’existence d’un trouble manifestement illicite caractérisé et la nécessité d’une astreinte considérée comme indispensable pour vaincre l’obstination de Mme X laquelle n’a tenu aucun compte des multiples demandes et tentatives de règlement amiable du litige émanant de la commune.
Par procès verbal en date du 4 avril 2018 et du 8 juin 2018, l’agent assermenté a constaté que l’extension du mazet n’avait pas été démolie et que si l’habitation légère de loisirs avait été enlevée, elle avait été remplacée par deux caravanes alimentées par des bornes électriques et une arrivée d’eau.
Il en résulte que non seulement Mme X n’exécute pas l’arrêt précédent mais commet de nouvelles infractions à la réglementation d’urbanisme en installant deux caravanes illégalement sur sa parcelle, la matérialité de cette implantation n’étant au demeurant pas contestée et justifiée par les procès-verbaux précités.
Pour faire obstacle à l’enlèvement réclamé en référé au titre du trouble manifestement illicite, Mme X a déclaré que ces deux caravanes constituaient son lieu d’habitation, le fait qu’elle habite sur place ressortant suffisamment des significations antérieures et de l’assignation à personne qui lui ont été faite à cette adresse.
Néanmoins, elle ne pouvait réclamer l’application de l’art. 8 de la CEDH (Convention Européenne des Droits de l'Homme), alors même qu’il était fait état dans l’arrêt précédent des multiples demandes et tentatives de règlement amiable du litige émanant de la commune, que la commune a toujours fait opposition au maintien dans un secteur exclusivement planté de vignes de son occupation qui n’a donc pas été univoque, paisible et tolérée, qu’elle ne justifie pas d’une habitation à titre privé non pas d’une mais de deux caravanes, et qu’enfin elle ne rapporte pas la preuve d’avoir entamé une quelconque démarche pour obtenir un logement social au regard de la faiblesse éventuelle de ses revenus, ce qui reste à démontrer dans la mesure où elle n’a pas sollicité ou obtenu d’aide juridictionnelle en première instance.
En substituant deux caravanes alimentées en électricité et en eau à l’ancien mobil home dont l’enlèvement avait été ordonné sous astreinte, Mme X tente frauduleusement de contourner la décision judiciaire précédente et continue à faire preuve de la même obstination depuis plusieurs années sans justifier dans le cadre du présent appel du risque de se retrouver sans solution de relogement.
Il en résulte de plus fort un trouble manifestement illicite que seul l’enlèvement requis par la commune est en mesure de faire cesser.
La décision est ainsi infirmée et l’enlèvement prononcé sous astreinte.
- Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 16 janvier 2020, RG n° 19/01967