Le 18 octobre 2011, Mme Y a donné à la SA Cabinet Bedin, agent immobilier, un mandat de vente sans exclusivité n°14545 d’un immeuble sis […] à Pssac au prix de 800.000 EUR net vendeur outre 50.000 EUR TTC au titre de la rémunération du mandataire à la charge du mandant.
Mme C X a donné, le 5 décembre 2011 un mandat de recherche exclusif numéro 16858 à la société Cabinet Bedin notamment concernant l’immeuble précité au prix de 850.000 EUR dont 50.000 EUR de frais d’agence à la charge du mandant.
Le 26 décembre 2011, Mme Y signait une promesse unilatérale d’achat au profit de la société PIERREVAL hors l’intervention de la société Cabinet Bedin et dénonçait cet acte, dès le 29 décembre 2011 à ladite agence.
Découvrant que Mme Y avait en fait vendu son bien aux époux X suite à la renonciation de la société Pierreval hors son intermédiaire le 14 août 2013 pour un prix de 685.000 EUR, la société Cabinet Bedin les a tous mis en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 février 2014, d’avoir à lui régler la somme de 50.000 EUR correspondant au montant des honoraires prévus.
Par acte du 12 août 2014, la société Cabinet Bedin a saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux d’une action indemnitaire dirigée contre Mme Y et M. et Mme X.
Le litige a été porté devant la cour d'appel.
La société Cabinet Bedin, agent immobilier, soutient que la seule présentation du bien à l’acquéreur préalablement à la vente suffit à donner naissance au droit à rémunération de l’agent immobilier lequel a droit à commission lorsque, après avoir fait visiter l’immeuble pendant la durée du mandat, la vente se traite directement entre les parties, l’opération étant alors réputée effectivement conclue par l’entremise de cet agent ; ceci vaut dans l’hypothèse d’un mandat exclusif comme d’un mandat non exclusif,
L’immeuble de Mme Y, propriétaire, a bien été présenté à M et Mme X, par son entremise alors qu’elle était titulaire d’un double mandat.
La signature de Mme X sur le mandat du 5 décembre 2011 n’est pas contestée et engage chacun des époux, la cour de cassation ayant rappelé que le mandat de recherche ne constitue pas un acte de disposition et que l’époux est valablement engagé par le mandat signé de son seul conjoint.
Le 5 décembre 2011, Mme X a visité l’immeuble en présence de la propriétaire qui a été expressément informée des suites de la visite par le compte rendu du négociateur accessible sur l’espace vendeur du site internet, qu’elle a consulté,
'la venderesse n’a pas confié ses clés à l’agent immobilier et les visites ont été nécessairement réalisées en sa présence,
'le mandat de vente non exclusif a été conclu le 18 octobre 2011 pour une durée de un an et le mandant s’est interdit dans les 18 mois suivant son expiration de traiter avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visitéles locaux avec lui,
'l’interdiction courait jusqu’au 29 juin 2013 et la vente a été conclue le 19 avril 2013 soit dans le délai de 18 mois,
'l’acte sous seing privé du 26 décembre 2011 est une promesse unilatérale de vente et jusqu’à la levée de l’option et la signature de l’acte authentique, la promesse unilatérale ne vaut pas vente ; la signature de la promesse unilatérale du 26 décembre 2011 n’a pas mis fin au mandat du 18 octobre 2011; Mme Y a manqué à ses obligations,
'le mandat confié par Mme X le 5 décembre 2011 n’a pas pris fin à la signature de la promesse unilatérale du 25 décembre 2011 et ce d’autant qu’il n’avait pas pour seul objet l’immeuble de Mme Y mais 3 immeubles distincts ; à défaut de résiliation expresse aux termes des trois premiers mois, le mandat de recherche a pris fin le 5 décembre 2012 et les époux X avaient interdiction de traiter avec un vendeur qui leur avait été présenté par l’agence jusqu’au 5 décembre 2013 ; en traitant avec un tel vendeur le 19 avril 2013, ils ont manqué à leurs engagements contractuels.
Mme Y indique avoir donné son bien à vendre à plusieurs agences immobilières. Elle précise qu’elle ne recevait pas d’information sur l’identité des visiteurs. Elle ajoute qu’elle a trouvé elle-même un acquéreur à savoir la société Pierreval avec laquelle elle a signé une promesse unilatérale de vente le 26 décembre 2011. Elle précise qu’elle a informé l’ensemble des agences immobilières dont la société Cabinet Bedin de cette vente.
Mme Y fait valoir que le 6 décembre 2012, cette vente a été rétractée faute de financement de la part de la société Pierreval.
Elle indique avoir remis son bien en vente sans intermédiaire et précise que c’est alors qu’elle a été contactée par M. et Mme X qui lui ont fait une offre qu’elle a acceptée, l’acte authentique intervenant le 14 août 2013.
Elle soutient qu’elle n’a jamais été informée du fait que M. et Mme X auraient déjà visité son bien auparavant.
Elle relève que la société Cabinet Bedin ne produit aucun bon de visite signé des époux X et qu’elle ne démontre nullement l’existence d’une collusion frauduleuse entre elle et les acquéreurs. Dans ces conditions, elle affirme qu’aucune faute ne lui est imputable.
Elle rappelle que faute d’avoir été informée du nom des visiteurs de son bien, la société Cabinet Bedin ne peut lui reprocher d’avoir vendu ce bien aux époux X.
M. et Mme X sollicitent la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a prononcé l’irrecevabilité de l’action de la société Cabinet Bedin à l’encontre de M. X marié sous le régime de la séparation de biens lequel n’a jamais signé le mandat de recherche avec l’agence immobilière le 5 décembre 2011.
De même, ils demandent la confirmation du jugement qui a retenu la caducité du mandat de recherche exclusif signé par Mme X. En effet, Mme X fait valoir que la signature de la promesse unilatérale de vente du 26 décembre 2011 entre Mme Y et la société Pierreval mettait fin au mandat de vente du 18 octobre 2011 et rendait ainsi sans objet et sans cause le mandat de recherche signé le 5 décembre 2011. Ainsi le mandat de recherche produisait ses effets jusqu’au 29 décembre 2012. Dans ces conditions, lors de la signature du compromis de vente avec Mme Y le 19 avril 2013, Mme X affirme qu’elle avait parfaitement respecté les termes du mandat de recherche et qu’elle ne saurait être tenue au paiement d’une indemnité compensatrice au bénéfice de la société Cabinet Bedin. Enfin elle affirme que cette dernière ne démontre pas lui avoir fait visiter le bien litigieux, l’attestation de Mme A travaillant au sein de l’agence, ne pouvait suffire à rapporter cette preuve.
Le 18 octobre 2011, Mme Y a signé avec la société Cabinet Bedin un mandat de vente sans exclusivité pour un bien sis à […]. Ce mandat était consenti pour une durée d’un an à compter de sa signature étant précisé qu’à expiration du troisième mois, il pouvait être dénoncé à tout moment par lettre recommandée avec avis de réception. Autre part, ce mandat prenait fin dès la conclusion de la vente et dès lors que le mandant aurait respecté les obligations mises à sa charge.
Enfin au chapitre des obligations du mandant, il était indiqué que le mandant s’interdisait pendant la durée du mandat et dans les 18 mois suivant son expiration ou sa résiliation de traiter directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui.
Le 5 décembre 2011, Mme X a signé un mandat de recherche et de négociation exclusif avec la société Cabinet Bedin. Cet acte précisait que le mandant confiait au mandataire le mandat exclusif de rechercher, présenter, visiter et négocier l’un des biens suivants :1) affaire n°1 :'18969 : (mandat n° 1'14 545) une maison à usage d’habitation sise à […]
Il était précisé que ce mandat était donné à compter du jour de sa signature pour une durée irrévocable de trois mois et que passé ce délai sauf révocation à tout moment par lettre recommandée avec avis de réception, il se poursuivrait par tacite reconduction par période de trois mois sans pouvoir excéder une année.
Au titre des conditions générales concernant le mandant, il était stipulé que pendant toute la durée de mandat et de ses renouvellements, le mandant s’interdisait de négocier directement ou indirectement le ou les biens référencés et qu’en outre, dans les 12 mois suivant l’expiration ou la résiliation du mandat, le mandant s’interdisait de traiter directement ou indirectement avec un vendeur dont le bien lui aurait été présenté par le mandataire ou un mandataire substitué.
Il résulte de ces deux actes sous-seing privés que Mme Y ou les époux X ne pouvaient contracter en dehors de la présence de la société Cabinet Bedin si cette dernière était intervenue dans la présentation du bien.
Il appartient donc à la société Cabinet Bedin de rapporter la preuve qu’elle est à l’origine de la présentation du bien appartenant à Mme Y aux époux X.
En ce qui concerne Mme Y, la société Cabinet Bedin prétend rapporter une telle preuve en indiquant que n’ayant pas les clés de l’immeuble, elle devait nécessairement aviser Mme Y des visites. D’autre part, elle verse aux débats une attestation de Mme A, négociatrice dans son agence, laquelle indique avoir fait visiter l’immeuble litigieux à Mme X en présence de M. Y.
Cependant cette seule attestation ne peut suffire à établir que Mme Y était présente lors de l’éventuelle visite de Mme X et ce d’autant que Mme A a un intérêt personnel dans la charge de la preuve de cette visite pouvant conduire à l’octroi d’une indemnité.
En ce qui concerne l’existence d’un site pouvant être consulté par les propriétaires d’un bien mis en vente à l’aide d’un code, force est de relever que le document produit par la société Cabinet Bedin pour établir que Mme Y aurait bien consulté ce site ne permet cependant pas de prouver le contenu de ce site et notamment le fait que celui-ci mentionnait le nom des différents visiteurs de son bien.
La cour constate que la société Cabinet Bedin, alors même qu’il entrait dans ses obligations de rendre compte au mandant des résultats des visiteseffectuées, ne verse aux débats aucun élément de quelque nature que ce soit (mail, courrier) justifiant avoir informé Mme Y de la visite notamment Mme X nommément.
En ce qui concerne les époux X, le seul fait qu’un mandat de recherche dans lequel figurait le bien litigieux, ait été signé, ne peut suffire à établir que ce bien aurait effectivement été présenté au mandant par le mandataire et ce d’autant, qu’il ne s’agissait pas du seul bien mentionné dans ce mandat de recherche.
Or la société Cabinet Bedin ne produit aux débats aucun bon de visite signé de Mme X. L’attestation de Mme A est insuffisante à établir la réalité de cette visite comme cela est rappelé ci-dessus et les autres documents produits par l’agence immobilière émanent d’elle-même et ne peuvent donc constituer une preuve de la réalité de cette visite.
Dans ces conditions, la société Cabinet Bedin est défaillante dans la preuve qui lui incombe à savoir avoir présenté les époux X à Mme Y.
Il y a lieu de débouter la société Cabinet Bedin de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de Mme Y comme des époux X.
- Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 23 janvier 2020, RG n° 16/0102